ANALYSES

L’Otan a besoin de faire valoir une menace

Presse
9 juin 2016
Le sommet de l’Organisation du traité l’Atlantique Nord (Otan) se tiendra à Varsovie les 8 et 9 juillet, sur fond de débats sur la résurgence de la menace russe. II sera décidé de mettre en place quatre bataillons de combat de1000 soldats, aux frontières de la Russie Le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, se félicite que la politique russe, jugée agressive, ait poussé les Etats européens membres de l’Otan à cesser de réduire leurs budgets militaires, conformément à une demande ancienne de Washington. Les alliés européens vont au global augmenter cette année leurs dépenses militaires, même si Washington regrette de ne pas arriver aux 2% du PIB comme le demandent les directives de l’Otan.

On peut à la fois s’interroger sur la rationalité de telles décisions et pointer les contradictions de l’Otan. L’annexion de la Crimée par la Russie est certes illégale sur le plan international, mais la guerre du Kosovo de 1999 menée par l’Otan l’était également. S’il y a en effet une crispation de Moscou ne faut-il pas réfléchir à ses causes et non se contenter de se focaliser sur ses effets ? L’extension de l’Otan aux frontières de la Russie, contrairement aux engagements pris après la réunification allemande, n’y a-t-elle pas contribué ?

L’Otan est le seul exemple historique d’une alliance militaire qui a survécu à la disparition de la menace qui avait suscité sa création. La mise en place d’un système de défense antimissiles, inutile et coûteux, perçu par les Russes comme remettant en cause l’équilibre nucléaire avec les Etats Unis et longtemps justifié par une menace balistique et nucléaire iranienne peut-elle se poursuivre après la signature d’un accord nucléaire avec l’Iran ? II y a en réalité une dérive fonctionnelle de l’Otan : pour justifier son existence, elle a besoin de faire valoir une menace. Croit-on sérieusement que la Russie pourrait se lancer dans une guerre contre la Pologne ou tenter de reconquérir les Etats baltes ? Est-il vraiment nécessaire d’élargir l’Otan à un nouvel Etat membre, le Monténégro, au moment où on affirme qu’on a besoin du soutien de la Russie contre Daech ? Déployer 4000 hommes supplémentaires, présentés comme indispensables pour la défense des pays de l’Otan, ne voudrait-il pas dire que la dissuasion nucléaire ne fonctionne plus ?

Après la fin du clivage Est-Ouest, l’Otan s’est retrouvée dans la situation d’un industriel dont le produit ne trouvait plus preneur sur le marché. Elle pouvait fermer son usine, diversifier sa production ou tenter de regagner des parts de marché sur ses concurrents. L’Otan n’a pas choisi de disparaitre parallèlement à la disparition du pacte de Varsovie, elle a plutôt cherché à prendre des parts de marché à ses concurrents : l’Union de l’Europe occidentale (seul organe purement européen de défense) n’existe plus et l’OSCE n’a pas eu le développement que l’on pouvait en attendre. L’Otan a multiplié ses missions et joue les pompiers pyromanes.
Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?