ANALYSES

Shengen : « Des prises de position démagogiques »

Presse
27 avril 2011
Interview de [Fabio Liberti->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=liberti], directeur de recherche à l’IRIS par Marie Barbier
Paris et Rome se sont prononcés hier en faveur d’un rétablissement des contrôles aux frontières dans l’espace Schengen. Cela signifie-t-il la fin de ces accords ?

Je ne crois pas à la fin de l’espace?Schengen : quel dirigeant européen pourrait prendre la responsabilité de tuer ce qui symbolise l’esprit européen ? Les gouvernements français et italien sont dans une conjoncture de myopie politique : Berlusconi se sent obligé de ménager la Ligue du Nord et Sarkozy a peur de se faire dépasser sur la droite par Marine Le Pen. Donc on assiste à des prises de position assez démagogiques, comme cette nouvelle exception aux accords de Schengen. On a déjà assisté au rétablissement des frontières nationales, dans le cas d’événements sportifs ou de manifestations. Ces exceptions ont été prévues pour contrer les Black Blocs (activistes libertaires – NDLR) et les hooligans. On ajoute une troisième catégorie de « méchants » : les migrants clandestins. Il faut rappeler que l’Italie est passée de quasiment zéro étranger dans les années 1990 à quatre millions aujourd’hui. L’entrée de 25 000 migrants tunisiens ne représente donc pas un « tsunami humain », contrairement à ce qu’a dit Silvio Berlusconi.


Ces prises de position ne donnent-elles pas du grain ?à moudre à l’extrême droite, qui milite pour l’abrogation de Schengen ?

Ce qui donne du grain à moudre aux partis extrémistes, c’est le manque de sincérité vis-à-vis de l’opinion publique. Ce sommet franco-italien pourrait avoir une sortie par le haut : renforcer d’une façon radicale les compétences de l’Union européenne dans la gestion des flux migratoires. L’UE gère déjà les aides au développement, on peut très bien imaginer une politique migratoire établie à 27. Cela éviterait que les échéances électorales prennent en otage tout un continent. Mais ça ne peut fonctionner que si MM.?Sarkozy et Berlusconi ont le courage politique de dire très clairement à leurs concitoyens que 25 000 migrants tunisiens, ce n’est rien, comparé aux événements historiques qui se déroulent au sud de la Méditerranée. Face aux envies de liberté du monde arabe, nous répondons par des déclarations démagogiques sur l’arrivée d’un tsunami humain…


Quel bilan tirez-vous des accords Schengen, vingt-cinq ans après leur signature ?

Un bilan extrêmement positif. L’abolition des frontières internes à l’intérieur de l’Union européenne a eu des conséquences sociétales, économiques, culturelles, etc. Je trouve dommage de remettre tout ça en cause à cause de la Ligue du Nord et d’un sondage qui donne le Front national à 20 %… 

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