Éditos de Pascal Boniface
16 mai 2014
Knysna. Au cœur du désastre des Bleus en Afrique du Sud, Trois questions à François Manardo

1/ Pensez-vous que la page Knysna est définitivement tournée ?
La FFF a évolué (réforme des statuts et du mode de gouvernance ; rattachement direct de la gestion des Bleus au Président de la FFF) et les hommes aujourd’hui en place sont une garantie, je le pense, face au risque d’un nouvel accident industriel et moral de cette envergure. En ce sens, la page est tournée. Reste une interrogation : en dépit de ces réformes absolument nécessaires, le système pourra-t-il résister aux hommes à venir qui, avec le temps et l’oubli, sont parfois amenés à faire bégayer l’Histoire ?
Je suis résolument optimiste de nature et je me convaincs que l’expérience de Knysna marque une limite que tous respecteront.
Raymond Domenech – je ne parle là que du personnage public, évidemment – est sans doute peu empathique. Dans ce milieu populaire qu’est le football et au poste qui fut le sien de sélectionneur des Bleus, cela a pu se révéler être un handicap sur la durée. En revanche, cette absence d’empathie l’a sans doute aidé à mieux maîtriser cette énergie négative qu’il s’est employé à provoquer parfois.
Mais le prix à payer est extrêmement lourd. Pour lui comme pour ses collaborateurs. Car j’ai la prétention de croire que dans une immense majorité, nous ne fonctionnons pas comme ça, et que ce registre – l’hostilité voulue et assumée – est aux antipodes de ce à quoi doit ressembler le lien entre la sélection nationale, les médias et le grand public. Pour les quelques éléments qui eurent la chance de pouvoir tourner la page en poursuivant l’aventure avec Laurent Blanc, la cicatrice s’est sans doute plus vite refermée ; pour les autres, tel que moi, je crois que ça a mis bien plus de temps.
J’ignore aujourd’hui si l’expérience de Knysna lui a permis de réaliser à quel point ce goût de la provocation et de l’hostilité est dévastateur. A la lecture de son livre, il y a deux ans, j’en doute encore. Trop d’imprécisions sur certains épisodes pourtant clé, trop « d’oublis » et certaines vérités qui mériteraient d’être plongés dans le sérum qui porte le même nom…
On ne peut pas être capitaine de Manchester United avec un manager tel que Ferguson par hasard…
Malheureusement, cet amour pour l’équipe de France – pour la France ! – et son dévouement si fort à ce maillot, dans le climat qui était le nôtre à Knysna, l’ont dominé. Au final, il a été balayé par ce cours de l’Histoire qui nous a rattrapé et heurté de plein fouet. Et en tant que capitaine, il fut le premier exposé et désigné coupable. Ce qu’il assuma parfaitement, je le sais, et même s’il n’en fit pas la publicité.
Beaucoup d’autres joueurs présents à cette période n’auraient sans doute pas affiché un tel degré d’investissement que celui d’Evra. Vous comprendrez donc plus aisément la terrible colère qui fut la sienne, lorsqu’il s’aperçut que le sélectionneur le priva honteusement de parole lors de la conférence de presse à Bloemfontein, le lundi 21 juin…
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François Manardo, Knysna. Au cœur du désastre des Bleus en Afrique du Sud, Edition les Arènes, 2014, 280 p.