ANALYSES

Coupe du monde de rugby au Japon : et après ?

Tribune
8 octobre 2019


Alors que la 9e Coupe du monde masculine de rugby se déroule actuellement au Japon, il est intéressant de se pencher sur l’évènement autrement qu’à travers le simple prisme sportif.

L’expression d’une diplomatie sportive active

À l’instar de la France, le Japon mène actuellement une diplomatie sportive active, notamment en termes d’accueil de grands évènements sportifs et de sponsoring. La Coupe du monde masculine de rugby actuellement, les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo l’été prochain sont les exemples les plus évidents, mais il ne s’agirait pas d’oublier la tenue du Championnat du monde féminin de handball comme ceux de judo lors de la seule année 2019. Parallèlement à une présence diplomatique forte (accueil du G20 à Osaka en juin dernier), le Japon entend donc utiliser le sport comme un vecteur supplémentaire pour affirmer sa puissance douce.

S’il ne fait aucun doute que le Japon, et surtout Tokyo, se prépare activement à l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques, tant les publicités, affiches et logos sont présents dans la ville ou les infrastructures de transports, il est cependant plus délicat de se rendre compte de l’actuelle compétition de rugby qui se déroule sur l’ensemble des îles du Japon. Ou plutôt, il était délicat tant l’engouement autour de l’équipe nationale commence à grossir, notamment à la suite de sa victoire (son exploit) face au XV irlandais, pourtant favoris. Contrairement à ce que certains continuaient à penser, on ne peut désormais considérer le Japon comme une « petite nation », et la bonne performance de la précédente Coupe du monde ne relève pas du miracle, mais au contraire d’une stratégie préparée depuis désormais plusieurs années. Désormais, les maillots à la fleur de cerisier continuent de fleurir à l’extérieur des fan zones et des villes hôtes.

Sans présumer de la suite de la compétition pour l’équipe du pays hôte, il sera essentiel de regarder l’évolution du nombre de pratiquants lors des prochaines saisons, pour voir si le pari de World Rugby de confier pour la première fois cette compétition au Japon est réussi. N’oublions pas d’ailleurs que la Chine commence de plus en plus à s’intéresser au ballon ovale, surtout quand il est joué à VII et qu’il est depuis les Jeux de Rio de 2016, une discipline olympique. Les prochaines années du rugby asiatique seront là encore à suivre avec attention.

La persistance d’une compétition fermée ou l’impossible mondialisation de ce sport

Aussi, que dire de cette compétition ? S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan chiffré en termes d’affluences et d’audiences et alors que certaines affiches pour les quarts de finale sont encore incertaines, il est toutefois intéressant de revenir sur la compétition en elle-même pour se projeter sur la prochaine échéance. En effet, selon les règles de World Rugby, les 3 premiers de chaque poule seront automatiquement qualifiés pour la compétition qui se déroulera en France en 2023. En d’autres termes, 12 nations, déjà présentes au Japon, seront toujours de la partie pour l’édition française, sur 20 places possibles. Sur (seulement) 121 fédérations membres ou affiliées à World Rugby, 8 places seront donc disputées… Entre 109 équipes, avec certaines zones géographiques privilégiées.

Le schéma de la Coupe du monde 2019 est à ce titre assez éloquent.



Comment, dans ces conditions aussi fermées, parvenir à littéralement donner un sens à cette Coupe du monde, mais également à inclure de nouvelles nations ? À titre d’exemple, pour cette Coupe du monde 2019, sur les 20 équipes présentes, 19 l’étaient déjà lors de la compétition précédente organisée en 2015 en Angleterre. Quand on sait que la pratique au haut niveau et par conséquent les Coupes du monde sont essentielles dans la diffusion, l’ancrage et le développement du sport, difficile donc d’imaginer non seulement un quelconque renouvellement parmi les nations participantes, mais surtout un développement de l’influence et du poids de World Rugby.

À l’instar d’autres sports, l’argument de l’augmentation du nombre de nations participantes est un serpent de mer. La dernière ouverture du nombre d’équipes remonte à 1999 et avait permis de passer de 16 à 20. Si ce faible nombre de tickets d’entrée pouvait avoir un sens lorsque la fédération internationale ne regroupait que quelques dizaines de fédérations nationales, il semble urgent, aujourd’hui, que ce système évolue, pas simplement en termes de places ouvertes, mais également en termes de développement des compétitions et d’aides à la formation. À l’heure où certains voient le rugby à VII comme un concurrent potentiellement mortel pour le jeu à XV, World Rugby a tout intérêt à ne plus reporter aux calendes grecques ces décisions et de se saisir rapidement de ces enjeux.
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