Notes / Observatoire de la Turquie et de son environnement géopolitique
28 juin 2019
Où va la Turquie ?

La séquence politique que traverse la Turquie condense les multiples contradictions qui assaillent le pays et qu’aucune force politique ne semble en situation de résoudre.
C’est bien sûr la question du résultat des élections municipales de mars 2019 à Istanbul qui a cristallisé les derniers commentaires. Nous savons en effet que, à la suite d’une décision du Haut conseil électoral prise sous forte pression politique du gouvernement, l’élection du nouveau maire du grand Istanbul, Ekrem Imamoğlu, investi par la principale formation d’opposition, le kémaliste Parti républicain du peuple (CHP), a été purement et simplement annulée. L’affaire est d’importance puisqu’Istanbul, outre sa charge symbolique, possède un poids économique et financier tel qu’elle relègue toutes les autres dans une catégorie moindre. Berceau et vecteur de son ascension politique, Recep Tayyip Erdoğan ne peut visiblement imaginer un seul instant perdre cette ville qu’il a conquise en 1994 et dont on sait qu’elle est, par ailleurs, source de conséquents revenus financiers qui furent la base matérielle de l’ascension du Parti de la justice et du développement (AKP). Le budget de la ville, incluant ceux de la Compagnie des transports publics et de l’Administration des eaux, s’élèverait en effet à près de 6 milliards d’euros, ce qui aiguise nombre d’appétits.
Au-delà des manoeuvres politiques, exécrables, à l’oeuvre à Istanbul, on ne peut pas pour autant considérer que l’AKP est contraint, d’une manière plus générale, à une posture défensive. Si des phénomènes d’affaiblissement sont perceptibles dans plusieurs centres urbains – l’AKP perd quinze villes, dont sept au profit de son allié le Parti d’action nationaliste (MHP, extrême droite) et huit au profit du CHP –, le parti recueille encore plus de 44 % des suffrages exprimés au niveau national et reste, de loin, le premier parti de Turquie, après presque dix-huit années d’exercice du pouvoir. En outre, le bloc AKP-MHP atteint près de 52 % des suffrages exprimés, ce qui constitue une baisse très marginale par rapport aux élections présidentielles et législatives de 2018 (respectivement 52,6 % et 53,66 % des suffrages exprimés)…