Notes / Asia Focus
28 mars 2019
Éléments de réflexion sur les origines des littératures sinophones d’Asie du Sud-Est

« La disparition de M », l’une des nouvelles de jeunesse de l’auteur sino-malais, Ng Kim Chew, est construite autour d’un mystérieux chef-d’œuvre, Kristmas, écrit en plusieurs langues et écritures, par un auteur, M., qui vit en Malaisie . Les débats qui agitent alors les cercles littéraires pour découvrir le génie inconnu spéculent avant tout sur ses origines ethniques et sa langue maternelle. À l’aide d’une mise en scène en abyme, Ng révèle avec sarcasme les fondements problématiques sur lesquels s’est édifiée la littérature sinophone de Malaisie : le nationalisme ethnique – malais comme chinois –, son rapport conflictuel avec l’unicité d’une langue nationale et l’obsession pour la sinité. La problématique nationaliste constitue sans nul doute le point de départ pour une réflexion sur les origines des littératures d’expression chinoise en Asie du Sud-Est. Ainsi quand on se pose la question : à quel moment une pareille littérature apparaît-elle ? Il semble qu’il faille régresser vers une question préalable, celle qui touche aux conditions d’apparition d’une certaine forme de conscience, politique, d’appartenir à une communauté « chinoise », et ainsi d’écrire en chinois. Ces origines ne sont pas très anciennes, on ne trouve nul « écrivain chinois » d’outre-mer avant le xixe siècle, cela est conceptuellement impossible. Il aura fallu la conjonction des deux grandes forces que sont le nationalisme et le capitalisme, posant des conditions matérielles nouvelles (une langue nationale véhiculée par l’imprimé), dans une région qui fut en outre soumise à l’expansionnisme colonial. Si l’on ajoute ici la dimension régionale, c’est pour tenter d’envisager, à travers sa globalité, l’uniformité d’un imaginaire national qui ne se laisse pas facilement dépasser, et cela même quand des auteurs tels que Ng revendiqueront pour eux un imaginaire transnational des mers du Sud…