Notes / Europe, Stratégie, Sécurité
11 février 2019
Une armée européenne avec qui ? (4/5)

La constitution d’une armée européenne intégrée et capable d’agir de façon autonome impose de répondre à la question de savoir « avec qui » ? Quels États européens en seraient les fondateurs ?
Pour répondre à cette question, en s’éloignant des circonstances politiques qui sont susceptibles de changer à tout moment, posons le postulat qu’il existe dans toute construction institutionnelle complexe – c’est-à-dire formée d’entités inégales, qu’il s’agisse d’une simple copropriété, d’un État fédéral ou de l’Union européenne – un triangle d’incompatibilité entre les principes d’unité, d’efficacité et d’unanimité : on ne peut satisfaire que deux de ces principes à la fois. Si l’on admet ce postulat, trois types d’architecture sont envisageables.
L’architecture « inclusive » permet d’atteindre l’unité tout en préservant l’unanimité, c’est-à-dire le caractère souverain des États faisant partie de l’ensemble considéré. Le prix à payer en est une plus ou moins grande inefficacité.
Le concept d’« avant-garde » vise au contraire à atteindre l’efficacité tout en préservant l’unanimité dans la prise de décision, mais au détriment de l’unité du groupe : seul un nombre restreint de participants sont admis, ou à tout le moins ceux qui le veulent et qui le peuvent. Cette voie, historiquement datée, n’a jamais rien produit de tangible dans le domaine de la défense et semble désormais impraticable.
C’est pourquoi il nous faut aujourd’hui considérer la seule architecture qui n’a jamais été tentée en matière de défense, alors même qu’elle a fait ses preuves dans d’autres domaines, en particulier celui de la politique monétaire, et qui permet de préserver l’unité sans renoncer à l’efficacité. C’est celle d’un Eurogroupe de défense dans lequel les décisions seraient prises à la majorité qualifiée…