Notes / Asia Focus
31 mai 2018
Vers une nouvelle grammaire des relations internationales ?

EMMANUEL LINCOT : On parle de « grandes » ou « moyennes » puissances, comment définiriez-vous le concept ?
PATRICK SAINT-SEVER : En matière de puissance physique, le référent de la thermodynamique fixe le cadre fondamental de la contradiction intrinsèque du phénomène : est puissance ce qui à la fois produit et consomme de l’énergie. Intimement liée aux lois de la thermodynamique, la notion d’entropie fixe l’horizon de cette contradiction intrinsèque puisque tendant à son maximum dans le temps, elle amène ainsi la stabilité du système par diffusion/dénaturation maximale, irréversible, de l’énergie, source de la puissance. Une stabilité qu’en termes humains, il est donc convenu de qualifier de … fin, par transfert d’énergie au système dont nous sommes parties. Poussière… En matière de sociétés humaines, étymologiquement puissance définit le « maître de maison », celui qui peut (potis). Elle implique donc à la fois un territoire et une communauté qui acceptent les décisions et actes de celui reconnu maître. Paradoxalement elle se définit par sa limite, donc par l’impuissance, l’opposition à cette reconnaissance de puissance. À chaque rencontre d’une puissance ne se soumettant pas il y aura guerre entre les « potis » pour fixer leur aire de puissance, Carl Von Clausewitz nous a fixé la loi du genre humain : « La guerre est donc un phénomène de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Pour conserver ou accroître sa puissance, il faut en dépenser ; l’emploi systématique de la force, au-delà de la seule loi de la thermodynamique expose à un surcroît de ce que Clausewitz nomme les « frottements », notamment via la possibilité de contribuer à amalgamer ses adversaires…