ANALYSES

Bilan de la COP 22 : action ou échec ?

Interview
24 novembre 2016
Le point de vue de Bastien Alex
La COP 22 a-t-elle débouché sur des avancées et des mesures concrètes en termes de lutte contre le réchauffement climatique ? Quel bilan peut-on en dresser ? A-t-elle été un succès pour le Maroc ?

Annoncé comme une COP de l’action après celle de Paris, Marrakech n’a pas été à la hauteur des attentes. Peu de décisions ont été prises, si ce n’est la fixation de l’agenda des années à venir. 2018 sera une année cruciale car les objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pourraient être revus à la hausse par les pays développés. Certains pays comme l’Allemagne ont ainsi annoncé leur plan pour 2050 (réduction des émissions de 80 à 95% par rapport à 1990). Une plateforme des stratégies 2050 a d’ailleurs été créée. Côté financement, si la dotation de l’enveloppe de 100 milliards progresse, les discussions sur les modalités d’utilisation des fonds demeurent difficiles. Les Etats ne sont pas toujours d’accord sur les priorités à donner à l’atténuation, ce que demandent les pays développés, ou à l’adaptation, exigence des pays en développement qui, pour la plupart, affrontent déjà les conséquences des changements climatiques.
L’initiative AAA (Adaptation pour l’agriculture africaine), portée par le Maroc, a aussi été critiquée par certaines ONG (Rabat, premier producteur de phosphate est en effet suspecté de vouloir capter une partie des fonds en promouvant le recours aux engrais phosphatés). Le principal problème reste l’absence de discussion sur l’écart à combler entre les contributions nationales proposées et les efforts restant à faire pour atteindre les objectifs de limitation à 2°C – voire l’hypothétique limite de 1,5 – inscrits dans l’Accord de Paris. Le PNUE rappelait dans un rapport publié juste avant la conférence que celles-ci nous plaçaient pour l’heure sur une trajectoire d’augmentation de la température de 2,9 à 3,4°C d’ici la fin du siècle. C’est insuffisant.

Onze Etats ont profité de la COP 22 pour ratifier l’Accord de Paris, ce qui porte le nombre de ratifications à 110 en plus de celle de l’Union européenne. D’autres pays, notamment la Russie, se font attendre. Quels sont ces pays réticents à une ratification et pour quelles raisons ? Existent-ils des leviers pour les inciter à passer à l’acte ?

Le fait que l’Accord de Paris entre en vigueur quelques jours avant l’ouverture de la COP22 constitue une bonne nouvelle, et une première mais cela est bien loin de résoudre l’ensemble des problèmes.
Si la Russie ne ratifie pas, c’est parce qu’elle préfère voir venir et qu’elle n’a pas encore de contrepartie suffisamment intéressante. Rappelons que sa ratification du Protocole de Kyoto, nécessaire à son entrée en vigueur après le désistement américain, avait été obtenu contre son adhésion à l’OMC et à la condition que l’année 1990 constitue la date de référence pour l’effort de réduction (l’économie et l’Union soviétique s’étant effondrées l’année suivante, cela permettait à Moscou d’atteindre ses objectifs dès la signature). L’Accord de Paris étant entré en vigueur, il n’y a pas lieu de se presser pour la Russie qui souhaite prendre son temps pour évaluer l’impact de l’Accord de Paris – guère populaire au sein des entreprises – en Russie, dont l’économie reste largement dépendante des exportations de pétrole et de gaz. Le gouvernement souhaite ainsi élaborer une stratégie de développement bas carbone avant de ratifier le texte et peut-être voir les sanctions internationales maintenues à son encontre s’assouplir…

L’annonce de la victoire de Trump aux élections présidentielles américaines a eu cours pendant la COP22. A-t-elle impacté son bon déroulement ? Concrètement, un climato-sceptique à la tête des Etats-Unis peut-il remettre en cause les engagements du pays pris en faveur du climat ?

La victoire de Trump a surpris tout le monde, y compris le secrétariat de la Convention climat. Cela a eu un impact sur l’ambiance de la COP22 et aurait pu être un facteur de démobilisation, mais finalement, les Etats ont plutôt fait bloc pour ne pas totalement briser l’élan de l’année dernière. Ban Ki-Moon s’était montré rassurant à la tribune, les faits semblent lui donner raison puisque que le futur président américain a annoncé qu’il restait ouvert sur cette question, déclarant, au New York Times le 22 novembre, qu’il pensait qu’un lien existait entre les activités humaines et le changement climatique. Interrogé sur la sortie de l’Accord de Paris, il n’a répondu ni par l’affirmative ni par la négative, arguant qu’il « suivait la question de très près ». La nomination du climato-sceptique Myron Ebell à la tête de l’Agence pour la protection de l’environnement n’est toutefois guère encourageante. Ce « revirement » pose surtout deux questions distinctes : d’abord celle de la capacité des candidats, dits populistes, à respecter les engagements pris devant leurs électeurs et ensuite celle du poids et de la manière dont peut s’exercer la contrainte internationale. Malgré le fait que l’Accord de Paris ne soit quasiment pas contraignant, y participer demeure important. L’idée est que la contrainte est exercée par le groupe ; tout Etat qui cherche à s’y soustraire prend le risque de s’opposer à ses partenaires, de détruire le texte et de rompre la confiance engendrée jusque-là. C’est une lourde responsabilité. C’est aussi la preuve qu’il est très délicat – voire impossible – d’établir des pronostics sur le comportement de Donald Trump et sur les mesures qu’il choisira d’appliquer ou non, sur les postures qu’il prendra. Une nouvelle leçon pour les sondeurs et prévisionnistes…
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