Notes / Océan
13 juin 2025
Le droit à l’indétection en mer, une notion en voie de disparition

La mer est-elle un espace libre ? Ceux qui y naviguent ont-ils droit à l’oubli ? C’est en tout cas ce que suggérait Hugo Grotius lorsqu’il forgea le concept de Mare Liberum, « la liberté des mers », dans un ouvrage éponyme resté célèbre, paru en 1609. À l’époque, le juriste et philosophe néerlandais cherchait à contrer la logique du Mare Clausum, « la mer fermée », alors défendu par le Portugal pour protéger son monopole sur le commerce avec l’Inde.
Un demi-millénaire plus tard, ces deux visions font toujours débat. En raison de l’accélération du dérèglement climatique et de la prise de conscience, ces cinquante dernières années, de la menace qui pèse sur notre planète, laissant à penser que l’être humain ne peut plus exploiter les ressources de l’océan en toute impunité. En raison, aussi, des technologies du XXIe siècle qui permettent, théoriquement, de suivre la moindre embarcation en cours de navigation sur n’importe quelle mer du globe, outils de MDA (Maritime Domain Awareness), systèmes MSC (monitoring, surveillance and control), etc.
Pour autant, « l’histoire culturelle, intellectuelle, littéraire, philosophique, montre clairement que l’idée selon laquelle on part en mer pour échapper aux autres, aux règles, aux pouvoirs étatiques, demeure profondément enracinée dans la culture maritime », observe le journaliste et militant américain Ian Urbina. « La mer est un espace de fuite, d’échappatoire. Dans l’imaginaire collectif, elle est synonyme de liberté, parce que durant des siècles, les hommes ont codifié le principe qu’elle ouvrait droit à ne pas être détecté, dérangé, interrompu dans les activités que l’on peut y mener », analyse celui qui est le fondateur de The Outlaw Ocean Project, organisation à but non lucratif établie à Washington, qui produit des reportages d’investigation environnementale maritime.
Cette contribution s’inscrit dans le cadre des réflexions du dossier dirigé par Julia Tasse, « L’océan transparent ? Géopolitique des données maritimes », La Revue internationale et stratégique, n° 138 (été 2025).