L’armée européenne : impérieuse nécessité ou commode repoussoir ?

La guerre d’agression déclenchée par le président de la Fédération de Russie le 22 février nous a fait prendre conscience que la paix en Europe n’était pas un « trésor acquis à tout jamais ». Moralement et juridiquement indéfendable elle, procède de la décision aventureuse d’un seul homme et pourrait conduire à terme la Russie dans l’une de ces impasses historiques dont elle a le secret pour s’enfermer d’elle-même.

Mais surtout, cette guerre fait chavirer l’idée d’un droit international pacificateur et consacre la guerre comme le moyen naturel de régler les différends entre nations. C’est l’exact opposé de la philosophie qui a présidé à la mise en place des Nations unies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les puissances victorieuses et selon laquelle : « la guerre n’est pas un moyen judicieux de résoudre les conflits internationaux » (Dwight. D. Eisenhower).

Enfin, elle redistribue les cartes de la politique internationale. Une ligue des États illibéraux se consolide progressivement dont le ciment est le rejet de l’Occident. Ses leaders entretiennent leur peuple dans des rêves de puissance, ils leur fabriquent de faux souvenirs, entretiennent leurs vieilles plaies et les conduisent au délire des grandeurs ou à celui de la persécution. Ses membres sont bien connus. Ils ont pour leader incontestable la Chine, et regroupent autour d’elle la Russie, l’Iran et la Corée du Nord.

Une nouvelle guerre froide a donc commencé qui pourrait très bien être un avant-guerre. Mais cette guerre est bien différente de la précédente, car cette fois les colonialistes, les envahisseurs, les impérialistes et les ultraconservateurs sont du côté des ennemis de l’Occident. Elle est mondialisée et divise l’humanité au moment où les défis auxquels celle-ci est confrontée exigerait une collaboration sans faille. De grands acteurs tels l’Inde, le Brésil, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, et même la Turquie, peu soucieux de venir au renfort d’un Occident auquel ils ne pardonnent ni ses fautes ni ses hypocrisies, attendent de choisir leur camp. Ce sont les Swing States géopolitiques qui peuvent faire basculer l’équilibre du monde…