Israël a massivement frappé des infrastructures nucléaires en Iran, ainsi que des cibles parmi les Gardiens de la Révolution, c’était prévisible ?
On peut considérer qu’il y avait un certain nombre de déclarations qui pouvaient laisser entendre qu’une attaque s’organisait, mais honnêtement, c’est facile à dire après coup. Ce que je sais par contre parfaitement, c’est que des plans très détaillés sont élaborés par l’état-major de l’armée israélienne depuis des mois, voire des années.
Benjamin Netanyahou a parlé de « point de non-retour » bientôt atteint par l’Iran vers une « bombe atomique », faut-il le croire ?
Non, c’est une formule. Le point de non-retour serait atteint si l’Iran avait atteint un taux d’enrichissement de 90 % pour son uranium, pour avoir une capacité d’utilisation militaire, mais nous n’en sommes pas là. On n’en est pas loin, mais on n’en est pas là. C’était tout l’enjeu des négociations avec les États-Unis. Donc quand il nous dit qu’on est à un point de non-retour, c’est lui-même qui est en train de le créer.
Comment ça ?
Pour Netanyahou, l’Iran est un « danger existentiel », sauf qu’on n’a pas entendu de dirigeants iraniens prétendre qu’ils voulaient détruire Israël depuis de nombreuses années. C’est de l’enfumage rhétorique de sa part pour justifier une « guerre préventive ».
Comment comprendre sa stratégie ?
Je crois qu’il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles les frappes ont été décidées. La première concerne les négociations avec les États-Unis, annoncées le 7 avril dernier par Trump alors que Netanyahou était à ses côtés dans le Bureau ovale. Il lui a visiblement « tordu le bras » en lui imposant ces négociations. Aujourd’hui, l’inverse se produit, Israël tend un piège aux États-Unis. La seconde raison, c’est l’initiative prise par la France et l’Arabie saoudite de proposer la reconnaissance de la Palestine à l’ONU le 18 juin. Netanyahou, en fin politique sent le danger, alors il crée des tensions pour empêcher cela.
Comment compte-t-il « piéger » Trump ?
Les États-Unis ne vont pas se désolidariser d’Israël, ça, c’est une certitude, mais en même temps, ils auraient voulu poursuivre les négociations avec les Iraniens. Netanyahou les oblige à prendre position contre l’Iran pour défendre leur allié israélien, mettant fin, de fait, à leurs négociations avec les Gardiens de la Révolution.
En effet des gages de sécurité états-uniens étaient dans la balance des négociations c’est bien cela ? Comment en résumé simplement les enjeux ?
Il y a deux aspects, le premier c’est l’acceptation par l’Iran de l’arrêt de l’enrichissement de son uranium [il est enrichi à 60 %, mais à 90 %, celui-ci peut servir d’arme atomique, NDLR]. Le deuxième, c’étaient les garanties de sécurité intrinsèques à cet accord. Si les garanties concernant l’enrichissement sont fournies, les États-Unis concèdent des gages de sécurité à l’Iran.
On a l’impression que le Premier ministre israélien a besoin de maintenir son pays en conflit pour se maintenir personnellement, qu’en est-il ?
C’est exactement ça, rappelez-vous, il y a peu, il avait déclaré à la tribune de l’ONU : « Je suis en guerre sur sept terrains, sur sept fronts militaires ». Il en avait fait la liste, mais incontestablement, le front militaire principal, pour lui, c’est l’Iran, ça a toujours été ça.