Notes / Observatoire de la Turquie et de son environnement géopolitique
25 juillet 2016
Turquie : échec d’un coup d’État mal préparé

A la surprise des observateurs qui avaient depuis longtemps relégué à l’Histoire son interventionnisme dans la vie politique du pays, l’armée turque est passée à l’action dans la nuit du 15 au 16 juillet dernier afin, selon les termes du communiqué posté sur le site de l’état‐major général des armées par le « Comité pour la paix dans la Patrie », de « restaurer la démocratie ». Mais, contrairement aux trois coups d’Etat passés (1960, 1971 et 1980) et au coup de force, parfois appelé « coup d’Etat post‐moderne », de 1997, cette action d’une partie des militaires turcs s’est soldée par un échec et une reprise rapide du contrôle de la situation par les autorités politiques du pays.
Cette action militaire avait toutes les chances de ne pas aboutir. En effet, l’analyse des coups d’Etat militaires turcs passés montre que les atteintes à la laïcité et à l’héritage kémaliste, moteur commun à toutes les actions politiques de l’armée turque, ne constituent pas en elles‐mêmes un motif assez fort et convaincant pour rallier à sa cause une partie suffisante de la population du pays. En 1960, c’était une situation économique précaire qui a rallié les classes moyennes émergentes, urbaines et occidentalisées (et également inquiètes de la place grandissante de l’Islam dans la société), à l’intervention des militaires. En 1971, la situation était différente, le coup d’Etat étant massivement réprouvé par la population, mais l’armée turque se sentait légitime dans son action en raison des affrontements violents entre extrême droite et extrême gauche et des troubles sociaux issus d’un usage immodéré des nouveaux droits (association, grève, syndicats…) accordés par la junte militaire elle‐même lors du coup d’Etat de 1960. En 1980, le troisième coup d’Etat de l’armée turque faisait l’objet d’un consensus populaire majoritaire en raison à la fois d’une instabilité politique, de problèmes économiques et d’une situation sécuritaire catastrophique (affrontements mortels dans les rues et dans les universités) que le gouvernement était incapable de maîtriser. Le coup de force de 1997 n’a quant à lui consisté qu’en une démonstration de force (défilé de chars) qui a entraîné sans usage des armes la démission du Premier ministre islamo‐conservateur…