ANALYSES

Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : quels enjeux ?

Interview
13 septembre 2017
Le point de vue de Carole Gomez
Sans grande surprise, Paris devrait être officiellement élue organisatrice des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à l’issue d’une dernière réunion du CIO, ce mercredi, à Lima. Pouvez-vous revenir sur les conditions d’attributions et sur l’accord tripartite avec Los Angeles qui sera voté à cette occasion ?

Si l’issue du vote du 13 septembre 2017 à Lima semble avoir effectivement perdu tout suspens, la phase de candidature a, quant à elle, connu un certain nombre de rebondissements.

Paris, qui restait sur 3 échecs (1992, 2008 et 2012), avait à cœur de ne pas reproduire les mêmes erreurs du passé. Après plusieurs mois de consultations, d’hésitations de certains, Paris se lançait officiellement dans la course en juin 2015, bénéficiant d’un soutien politique et sportif très important.

Si la candidature de Paris est montée, petit à petit, en puissance, les autres villes ont connu des parcours plus compliqués. En effet, Boston s’est retirée en juillet 2015, remplacée par Los Angeles, Hambourg s’est retirée après une consultation populaire défavorable en novembre 2015, puis Rome en Octobre 2016 et enfin Budapest en février 2017. En conséquence, Paris et Los Angeles se sont donc retrouvés seuls, face à face dans cette finale précoce.

Face à cette situation, la position du Comité international olympique (CIO) est intéressante à étudier. Fin 2016, Thomas Bach, le président du CIO, avait avancé, du bout des lèvres, l’hypothèse d’une double attribution, sans que cette solution ne soit pleinement considérée par les concurrents. Malgré tout, cette idée a fait son chemin et est finalement annoncée en juin 2017 puis validée officiellement en juillet 2017 lors d’une session extraordinaire du CIO à Lausanne. À cet égard, le CIO a donc intelligemment fait jouer la concurrence entre les deux villes pour finalement les laisser se répartir les éditions de 2024 et 2028.

En conséquence, le vote du 13 septembre à Lima ne devrait être que purement symbolique, venant confirmer l’accord tripartite conclu. Cependant, compte tenu de l’absence de suspens, on a tendance à l’oublier, voire à le négliger mais Paris a su remporter, grâce à son projet, une victoire qui était loin d’être acquise il y a encore quelques mois et qui lui échappait depuis 100 ans. Cette victoire vient apporter une réponse concrète à la diplomatie sportive française mis en œuvre depuis 2013.

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques sont contestés par certains, pour d’autres, cela constitue un formidable accélérateur économique et territorial. En quoi Paris est-elle en mesure d’atteindre ces objectifs tout en évitant les fameux “éléphants blancs” ?

La candidature de Paris s’inscrit dans une double logique : proposer des Jeux durables et des Jeux responsables. N’oublions pas que ces Jeux sont les premiers à s’inscrire dans la logique de l’Agenda 2020, appelant à plus de modérations et moins de dépenses inconsidérées comme cela avait pu être le cas au cours des dernières olympiades.

Plusieurs éléments sont à noter.

D’une part, le risque de dépassement est évidemment présent dans tous les esprits et nombreux sont ceux qui font des parallèles avec les précédentes organisations qui ont vu les coûts d’organisation être multipliés par 2, 3, 4 au cours des derniers mois. Si cette crainte peut être comprise en période de rigueur économique, comparaison n’est pourtant pas raison. Dans le cas de la candidature parisienne, seuls 2 infrastructures sportives seront à construire, alors qu’ il s’agissait de 8, 10 voire 16 infrastructures lors des candidatures précédentes. Avec un budget de 6,8 milliards d’euros, Paris se repose grandement sur les infrastructures déjà existantes ou qui le seront à l’aube de 2024 (95% des infrastructures) A la différence de Sotchi, pont, autoroute, aéroport n’auront besoin d’être construits, ce qui réduit d’autant plus les risques de dérapages. De même, dans le cadre du Grand Paris, les réseaux de transports seront agrandis et prêts pour 2024.

D’autre part, le CIO demeure particulièrement vigilant concernant les nouvelles éditions de ces Jeux olympiques vis-à-vis du respect de l’Agenda 2020. 7 villes européennes se sont retirées au cours des phases de candidatures pour 2022 et 2024, semblant lancer un mouvement de désintérêt, voire de défiance face à l’organisation olympique. Conscient de cette menace, le CIO fait preuve de plus de mesure, de retenue, et cherche aussi à rompre avec les décennies précédentes qui ont trop souvent laissé des « éléphants blancs ». Par exemple, le CIO est en discussion avec le COJO de Tokyo pour venir limiter les nouvelles constructions pour l’accueil des Jeux en 2020, compte tenu du non-respect du budget. C’est donc par pur pragmatisme que le CIO cherche à « limiter » les projets et ne pousse plus à des constructions fastueuses.

De plus, la question de la sécurité est aussi très présente dans les esprits, compte tenu du contexte sécuritaire actuel. Une enveloppe de 180 millions d’euros est affectée à ce poste. L’exemple de Londres est régulièrement cité pour expliquer l’explosion de ces coûts dans la dernière ligne droite. Une fois de plus, la comparaison n’est pas aussi pertinente qu’elle n’y parait, puisque Londres avait dû, au dernier moment, parer à une carence d’un de ses prestataires, ce qui avait entraîné des surcoûts de dernière minute considérable. S’il est impossible de connaitre la situation sécuritaire dans 7 ans, les dispositifs en place mais aussi les différents évènements sportifs organisés d’ici là permettront d’ajuster au mieux.

Enfin, la société civile a été largement associée au projet de Paris 2024 et sera donc présente pour veiller, tout au long des 7 ans qui nous séparent de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, du respect des engagements, notamment dans le domaine du développement durable.

Quels sont les enjeux qui entourent l’organisation de ces Jeux olympiques et paralympiques ?

Le CIO sort incontestablement vainqueur de cette double attribution. Par ce biais, alors que l’institution était critiquée, elle s’assure les 11 années à venir avec des villes hôtes aux projets sérieux et solides et qui devraient, selon toute logique, tenir tous les engagements. A cela s’ajoutent la conclusion des contrats de sponsoring, de médias qui permettent donc à Thomas Bach de garantir l’avenir du CIO jusqu’en 2028, au moins, mais surtout de relancer l’engouement autour des Jeux.

Los Angeles, avec sa désignation pour 2028, se trouve une porte de sortie face à la situation de duel face à Paris. Elle n’est pas considérée comme la perdante de cet affrontement et repartira de Lima avec une organisation à affiner et mettre en œuvre pour dans 11 ans.

Pour Paris, les enjeux sont nombreux. Le respect du budget assigné sera le principal, mais il faut aussi avoir à l’esprit la volonté pour Paris d’assurer des Jeux responsables et durables. Paris veut faire de ces Jeux les Jeux les plus verts de l’histoire et ainsi supplanter Londres.

L’autre facette de l’organisation des Jeux porte aussi sur les retombées économiques. Plusieurs études ont été publiées sur le sujet et sont globalement favorables. Le Centre de droit et d’économie du sport, reconnu pour son travail et son sérieux, estime quant à lui, des retombées entre 5,3 et 10,7 milliards d’euros. Une fois n’est pas coutume, la prudence est de mise face à ces estimations et il sera important de suivre attentivement tout au long des 7 prochaines années et même après ces chiffres.

Enfin, le comité de candidature Paris 2024 avait aussi fait le pari de mettre l’éducation au cœur de cette campagne. Plusieurs initiatives ont ainsi été lancées et permettent d’utiliser le sport comme un levier d’insertion, de partage, de lutte contre les discriminations, de communication. L’idée n’est pas de faire du sport l’alpha et l’oméga de toute la politique, mais d’utiliser de façon intelligente et quand cela est pertinent le sport comme un outil sociétal.
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