ANALYSES

« Il y avait une quasi immunité pour la Fifa »

Presse
31 mai 2015
Interview de Pim Verschuuren - Sud Ouest
Comment expliquer que des scandales connus depuis des années ne fassent l’objet de procédures que maintenant ?
La Fifa est hébergée en Suisse. Or ce pays n’est pas seulement un paradis fiscal, c’est aussi un paradis judiciaire. Il y est extrêmement difficile pour les autorités de mener des poursuites pour corruption. Et jusqu’à présent, elles n’ont pas fait montre d’une volonté farouche. Il y avait une quasi-immunité pour la Fifa. Les États-Unis ont finalement tapé du poing sur la table en vertu du principe d’extra-territorialité. Ils ont considéré que si une partie des infractions comme des virements bancaires s’étaient produits sur leur sol, cela leur donnait le droit de poursuivre. C’est une procédure hors norme et une vraie première qui doit s’analyser également à l’aune de la lutte contre les paradis fiscaux. Ce n’est sans doute pas un hasard si, le jour même de l’annonce américaine, les Suisses ont annoncé l’ouverture d’une enquête sur les Coupes du monde en Russie et au Qatar.

Pourquoi la Fifa est-elle si vulnérable à la corruption ?
D’abord, c’est une structure où il y a beaucoup d’argent. Les contrats sont faramineux. Ensuite, elle est par nature très internationale. Et les policiers sont démunis pour traquer la délinquance transfrontalière. Pour finir, elle n’a pas su et pas voulu instaurer des contrôles internes. Il y a un manque évident de transparence : pensez que l’octroi de la Coupe du monde est décidé par un comité de 24 personnes qui votent anonymement ! On sait bien que dans ces conditions, l’obtention d’une Coupe du monde ne peut se faire sans … implication personnelle.

Quelle est la responsabilité de Sepp Blatter ?
Elle est lourde. Blatter a créé un monstre en développant les ressources de la Fifa de façon exponentielle sans instaurer de véritable contrôle. Il n’est certes pas le seul responsable. Il faudra tôt ou tard regarder qui sont les corrupteurs dont on parle pour l’instant finalement peu. Mais il est évident que cette opacité lui a servi pour maintenir son pouvoir.

Dès lors, qu’attendre de sa réélection ?
Il y aura du ménage jusqu’à présent, cela a toujours été fait de manière feutrée. Les gens ont été poliment poussés à la démission et n’ont pas été inquiétés. Il est probable que cette voie soit privilégiée : fermeté en public mais douceur en privé, il y a sans doute eu des tractations en ce sens dans la nuit qui a précédé l’élection. Il est probable qu’un certain nombre de personnes à la Fifa ont du mal à dormir en ce moment.
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