ANALYSES

Karabatic interpellé : la triche est difficile à prouver dans le sport

Presse
1 octobre 2012
Interview de Pim Verschuuren - Le + du Nouvel Obs
Parieur mais pas tricheur. C’est la ligne de défense du joueur de Montpellier Nikola Karabatic, interpellé dimanche. Pim Verschurren, chercheur à l’IRIS, co-auteur du livre blanc « Paris sportifs et corruption : comment préserver l’intégrité du sport », rappelle pourquoi un fait de corruption est difficile à établir dans le sport.

 

Si les affaires de corruption et de tricherie dans le sport font régulièrement la une des journaux, elles aboutissent très rarement à des sanctions judiciaires.

 

Prouver un fait de tricherie est en effet très complexe. Cela passe par l’enregistrement de conversations téléphoniques, le traçage d’e-mails, ou alors par des aveux, comme lors de l’affaire OM-VA de 1993, qui avait touché le football français. Mais ces preuves sont fragiles et surtout très complexes à obtenir. Quant aux aveux, ils sont rares.

 
Une culpabilité difficile à établir

 

Les exemples d’instructions judiciaires qui n’aboutissent pas sont légion. Les procédures administratives sont souvent très longues, les procès sans cesse reportés, faute de preuves tangibles.

 

Le niveau de performance sportive pouvant être très aléatoire en fonction des matches, les joueurs accusés de corruption peuvent plaider sans mal un « jour sans » pour expliquer leur mauvaise performance.

 

Il y a en effet énormément de paramètres et d’acteurs qui entrent en jeu lors d’un match, il est donc difficile de suspecter un quelconque acte de corruption dès lors qu’un joueur ne parvient pas à inscrire un but, même à deux mètres du gardien. Il y a de nombreux joueurs qui loupent ce genre d’occasions, ou des arbitres qui ne sifflent pas des fautes évidentes, sans que le match soit truqué…

 

En Belgique, une affaire de matches truqués a frappé le championnat de football de Division 1 ces dernières années. Ces actes auraient été commis entre 2004 et 2006. Une instruction a été ouverte, mais le procès a depuis été reporté très régulièrement en raison notamment du manque de preuves alors que le protagoniste principal, un mafieux chinois du nom de « Ye », court toujours.

 

Autre exemple, dans le tennis : en 2007, le joueur russe Davydenko, alors quatrième joueur mondial, avait abandonné, officiellement pour blessure, face à un adversaire beaucoup plus modeste. Un montant très élevé de paris (7 millions d’euros) a été observé sur ce même match, ce qui a nourri d’importants soupçons et poussé l’opérateur, Betfair, à annuler les mises et alerter les autorités.

 

Là encore, il fut impossible de prouver la culpabilité du joueur. Faute de preuves tangibles, il fut relaxé. Sanctionné pour « non combativité » quelques mois plus tard par un arbitre dans un autre match, le Russe fut blanchi.

 
Des affaires réglées « en interne »

 

Récemment, fait rarissime, un scandale de matches truqués en Allemagne a pu accoucher d’un procès, le « Procès de Bochum », des écoutes téléphoniques ayant pu être réalisées « par accident ».

 

Les enquêteurs réalisaient ces écoutes dans le cadre d’une enquête autour de trafics de drogue et de prostitution, mais ils ont découverts au fil des semaines que ce réseau criminel blanchissait de l’argent et s’enrichissait à travers un vaste système de corruption sportive qui a touché plus de 300 rencontres dans l’Europe entière.

 

La rareté des procès tranche avec la multiplication des scandales ces dernières années. Les sanctions existent mais elles sont le plus souvent administratives et non judiciaires. Autrement dit, ce sont les institutions sportives qui sont à l’origine d’éventuelles sanctions.

 

C’est le cas dans l’affaire des matches truqués, dit du « Calcioscommesse », qui touche depuis quelques mois le championnat italien, Antonio Conte, coach de la Juventus et ancien entraîneur de Sienne, a été interdit d’exercer une activité dans le football pendant 10 mois en Italie. Mais cette sanction émane d’institutions sportives : de la Fédération italienne de football tout d’abord, puis de la FIFA ensuite, qui a étendue la sanction à tous les pays qu’elle reconnait.

 

Dans l’affaire qui touche aujourd’hui le handball, au vu de ce que l’on sait de ce dossier, il est probable que la justice butte là aussi sur un manque de preuves tangibles. Les sanctions, si sanctions il y a, seront plutôt sportives, prises par exemple par la Ligue national de handball (LNH).

 

Un mode de sanctions qui arrange le monde du sport, puisqu’il préfère toujours régler ce type d’affaires en interne que sur la place publique. Cela permet ainsi de mieux ménager les intérêts économiques en jeu, les sponsors et l’image du sport notamment.
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