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Gaz : « Il y a un risque de pénurie mais pour l’instant, l’effet visible, ce sont les prix »

Presse
31 août 2021
Interview de Francis Perrin - 20 minutes
Une nouvelle hausse des prix du gaz en ce début septembre. Ce mercredi marque une augmentation de 8,7 % du tarif réglementé de vente (TRV) d’Engie pour le gaz naturel. Cette hausse est de 2,7 % pour les clients utilisant le gaz pour la cuisson, de 5,5 % pour ceux qui ont un double usage, cuisson et eau chaude, et de 9 % pour les foyers se chauffant avec, a précisé la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans un communiqué.

Mais à quoi est due cette hausse, qui n’est pas un cas isolé – les tarifs réglementés ont crû de 15,8 % depuis le 1er janvier 2019 – ? Est-elle spécifique à l’Hexagone ? Pour le comprendre, 20 Minutes a interrogé Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris spécialisé en stratégies et politiques énergétiques.

Cette hausse des prix du gaz n’est-elle liée qu’à la France ?

La France est l’illustration d’une tendance plus générale à l’augmentation des tarifs. Sa principale cause, c’est la forte reprise économique en 2021. Et ça dépasse évidemment de loin notre pays. On a bien sûr eu une année 2020 extrêmement difficile, avec une récession mondiale. Et cette année, on s’attend à une croissance de 5 à 6 % en moyenne, ce qui est très élevé. Dans ce contexte, les prix de nombreuses matières premières augmentent : le gaz naturel, les produits agricoles, les ressources minières…

Quelle est la situation en l’Europe ?

Les pays qui exportent du gaz et du GNL, du gaz naturel liquéfié, peuvent, dans certains cas, faire un choix entre différents marchés pour le vendre. Et quand ils font ce type d’arbitrage, ils regardent de près une donnée clé : le prix. Or dans la période récente, les prix du GNL sur les marchés asiatiques sont supérieurs à ceux sur le marché européen. Ce qui fait que certains vendeurs ont arbitré en faveur du marché asiatique.

Quelle est la situation des stocks de gaz européens ?

En Europe, nous avons des stockages de gaz naturel à un niveau très bas. Nous sommes en été, donc on peut se dire ce n’est pas très gênant. Mais les réservoirs doivent être remplis pour la saison hivernale, c’est donc maintenant qu’il faut se précipiter sur le marché pour acheter du gaz. Non pas pour le consommer, mais pour le stocker. Et quand vous avez un certain nombre d’acteurs qui se précipitent pour remplir les stocks, ça a évidemment un impact sur les prix.

A quel point la France est-elle dépendante des importations ?

Nous importons 99 % du gaz naturel que nous consommons. Pour l’Union européenne, on approche des deux tiers. On sait très bien que l’UE, de façon générale, n’est pas une zone massivement productrice de gaz naturel. De pétrole non plus.

Peut-il y avoir un risque de pénurie cet hiver ?

Dans la mesure où les stockages européens sont à des niveaux très bas, c’est un sujet d’inquiétude, mais pas de panique. C’est pour cela que certains opérateurs gaziers se précipitent pour essayer de reconstituer leurs stocks, pour éviter justement un risque de pénurie dans les mois qui viennent.

On peut résoudre cette situation mais entre l’été et l’hiver, les choses se passent très vite et le gaz ne s’achète pas du jour au lendemain. Tout se prépare. Donc oui, il y a un risque de pénurie mais pour l’instant, l’effet visible, c’est que les prix augmentent.

Et cela impacte le budget des Français…

Carburant, gaz, électricité… Ce sont des prix très sensibles, souvent très politiques. On peut difficilement s’en passer, donc ça veut dire qu’on a un peu moins d’argent pour faire autre chose. Cela peut contribuer à accroître des mécontentements politiques et sociaux. Et il est clair que le gouvernement français ne considère pas que c’est un petit sujet.

 

Propos recueillis par Maureen Songne pour 20 minutes
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