ANALYSES

Échec du Rassemblement national aux régionales : « le parti a trop cherché à se normaliser »

Presse
28 juin 2021
Interview de Jean-Yves Camus - Ouest France
Quels enseignements peut-on tirer des résultats du Rassemblement national pour ces élections régionales ?

Les appels de Marine Le Pen et des têtes de listes à se mobiliser n’ont pas fonctionné, même si l’abstention considérable ne touche pas que le RN. Elle rend difficile à analyser les résultats de ce parti. Le RN a peut-être trop cherché à se normaliser. Mais une « re-radicalisation » serait un échec assuré. Ce parti connaît donc un problème de dosage et se trouve sur la corde raide à ce niveau-là. Un autre enseignement de cette soirée : pour les élus LR très à droite de leur parti, qui partagent les idées du RN sur plusieurs points, le résultat de Thierry Marini montre qu’ils n’ont pas intérêt à franchir le Rubicon.

Le « zéro pointé » du Rassemblement national aux régionales est-il une désillusion pour le parti ?

La vraie attente au Rassemblement national, c’était de prendre la Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Si le RN avait réussi à prendre cette région, il aurait considéré que le bilan était satisfaisant. Ce qui rend cette défaite amère, c’est la perte de l’élection en Paca dans des proportions importantes – la victoire du LR Renaud Muselier est estimée entre 56 et 57 % -, sans progression par rapport à l’élection de 2015. Thierry Mariani était présenté par Marine Le Pen comme une « prise de guerre », mais il n’arrive pas à gagner. Même lorsque le RN arrive à débaucher des gens qui sont une preuve de la « dédiabolisation » du parti, cela ne suffit donc pas.

Le front républicain reprend des couleurs ?

Il est en tout cas beaucoup moins moribond qu’on l’annonçait. Le front républicain n’est pas une solution, puisque la meilleure de choses reste de voter « pour » un candidat et pas « contre » un candidat ».

Quelles conséquences pour Marine Le Pen et la Présidentielle de 2022 ?

Il est toujours complexe de comparer des élections très différentes. Marine Le Pen va drainer sur son nom probablement davantage d’électeurs que les têtes de listes RN aux élections régionales. Mais cela ne suffit pas à expliquer la contre-performance de ce dimanche. La question de la mobilisation de l’électorat RN sera cruciale pour ce parti : est-ce que le manque de mobilisation aux régionales est seulement dû à la crise sanitaire ? Ou est-ce que les électeurs du RN n’ont même plus envie de se déplacer ?

Le RN a-t-il perdu sa forte capacité de mobilisation ?

Les jeunes et les classes populaires, qui constituent un vivier d’électeurs pour le RN, ne se sont pas déplacés pour aller voter. Il faudra attendre les résultats sur la sociologie du second tour, mais pour le premier tour, les votants étaient plutôt des classes aisées et des « 55 ans et plus », qui ne sont pas le cœur de l’électorat du Rassemblement national. La normalisation des idées du RN pousse peut-être aussi certains électeurs à se demander quelle est la différence avec les autres partis et s’il n’a pas rejoint ce fameux « système ».

 

 

Propos recueillis par Ouest France.
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