ANALYSES

COP27 : avancée historique ou fin de l’atténuation ?

Tribune
23 novembre 2022


Dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 novembre s’est achevée la COP27, à l’occasion de laquelle des représentants de 196 pays se sont rencontrés à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour discuter des enjeux climatiques. Après deux conférences tenues au Maroc, une au Kenya et une en Afrique du Sud, il s’est agi de la cinquième COP sur le climat tenue en Afrique, continent le plus vulnérable face aux effets des changements climatiques, un symbole extrêmement fort pour une conférence placée sous le signe de la solidarité internationale et de la coopération pour le soutien aux territoires les plus durement touchés. Depuis le sommet de Rio, en 1992, la singularité des États en développement et leur forte vulnérabilité vis-à-vis des changements climatiques ont fait l’objet de revendications croissantes. Revendications déçues, de manière répétée, par l’issue des COP précédentes, la montée en flèche des émissions de gaz à effet de serre, et, plus récemment, par le non-respect de l’engagement pris, lors de l’Accord de Paris, par les États développés de verser 100 milliards de dollars par an pour l’adaptation des pays les plus vulnérables.

La question du financement de l’adaptation étant déjà source de tensions entre les pays du Nord et les pays du Sud, la mise à l’agenda officiel de la question des pertes et dommages[1] a constitué une avancée historique pour ces derniers. Aussi cette COP fut-elle non seulement l’occasion de formuler de nouvelles promesses de dons pour le Fonds d’Adaptation au changement climatique – ces promesses représentent un apport ponctuel de 230 milliards de dollars en tout –, mais surtout de formuler, sous l’impulsion de l’Union européenne, un objectif plus ambitieux : la création d’un mécanisme de compensation des pertes et des dommages par les plus grands émetteurs, ce par le transfert de sommes financières sans précédent dans l’histoire des relations internationales. Ces négociations ont abouti à la création d’un « fonds de réponse aux pertes et dommages », qui devrait être adopté lors de la COP28. D’ici là, ses modalités de mise en place seront étudiées et élaborées par un comité qui sera notamment chargé d’identifier les pays donateurs et les pays bénéficiaires. Par ailleurs, l’initiative de Bridgetown, portée par la Barbade, a posé de manière plus générale la question d’une réforme du système financier international, visant à inciter les banques de développement à prêter de l’argent aux pays les plus vulnérables, et à suspendre le remboursement du prêt s’ils devaient être frappés par une catastrophe climatique. Mais si cette COP franchit un pas décisif dans la reconnaissance des pertes et dommages et dans la prise de responsabilité des pollueurs historiques, son caractère symbolique, et les promesses de solidarité qu’il porte n’éludent pas l’absence totale d’avancée en matière d’atténuation.

Les négociations sur ce point sont en effet demeurées inefficaces, ce qui peut être imputé à la faible représentation des États en développement face aux États développés et face aux industries fossiles. Celles-ci, largement représentées, ont bien souvent tourné les discussions sur l’atténuation à leur avantage, notamment par le biais d’une rhétorique de la compensation et du commerce du carbone. Aussi, aucune avancée notable ne peut être constatée depuis le Pacte de Glasgow à l’égard de la sortie des énergies fossiles, qui n’est toujours pas actée. Le texte final adopté ne fait aucune mention du pétrole ni du gaz, et maintient l’expression de « sortie progressive » du charbon. L’objectif des 1,5 °C, bien qu’il ait fait l’objet de vives discussions, a finalement été conservé, sans pour autant être assorti d’une actualisation tangible des plans de réduction des émissions. Ce besoin avait pourtant été souligné par les Nations unies dans un rapport paru à la fin du mois d’octobre, et indiquant que les engagements nationaux mis à jour depuis la COP26 nous engageaient sur la voie d’un réchauffement entre 2,1 et 2,9 °C.

La COP27 présente ainsi une portée symbolique extrêmement forte pour les États qui expérimentent dès aujourd’hui les effets des changements climatiques et l’urgence de bénéficier de mécanismes de soutien financier, mais elle ne propose aucune mesure politique tangible d’atténuation. Si les jalons de la solidarité économique ont été posés, la solidarité politique dans l’effort commun pour la réduction des pressions anthropiques sur le système planétaire et son habitabilité n’est pas encore advenue. La COP s’achève, en d’autres termes, sur une perspective univoque de réparation des dommages et n’esquisse aucune stratégie pour les prévenir, bien qu’elle en formule vaguement l’espoir. Bilan face auquel Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, n’a pas pu masquer son insatisfaction : « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant – et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu. »

 

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[1] Conséquences irréversibles des aléas climatiques, qu’il s’agisse d’aléas ponctuels tels que les événements météo-climatiques extrêmes, ou des aléas à évolution lente tels que l’élévation du niveau de la mer. Ces conséquences prennent la forme de préjudices matériels tels que les pertes économiques ou la destruction d’infrastructures, et de préjudices culturels, par exemple liés aux déplacements forcés de populations.
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