ANALYSES

COP27 en Égypte : quels engagements dans un contexte de tensions « Nord/Sud » ?

Interview
3 novembre 2022
Le point de vue de Julia Tasse


Ce 6 novembre s’ouvre à Charm el-Cheikh la 27e conférence des Nations unies sur le climat. Près d’un an après la conférence de Glasgow, la COP27 réunira les dirigeants de près de 200 pays pour échanger autour des questions climatiques et environnementales. Quels sont les objectifs fixés par la présidence égyptienne ? Alors que les engagements climatiques internationaux peinent à atteindre l’objectif fixé, quelle est la crédibilité de ce sommet ? Qu’en est-il de l’enjeu du financement de la lutte contre le changement climatique dans un contexte de tensions entre le Nord et le Sud ? Le point de vue de Julia Tasse, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Climat, énergie et sécurité.

Du 6 au 18 novembre se tiendra la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte. Quels sont les objectifs de ce sommet fixés par la présidence égyptienne ?

Dans la droite lignée des COP précédentes (depuis la COP21 qui s’est tenue à Paris en 2015), parmi les principaux objectifs de cette COP figurent les négociations autour de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Les COP se succèdent, comme des grands rendez-vous autour de la lutte contre le changement climatique, des rendez-vous fédérateurs et des plateformes de visibilité mais aussi et surtout, comme des rendez-vous de parties à une convention, qui doivent s’accorder sur des outils et des techniques pour mettre en application ce à quoi elles se sont engagées.

Par ailleurs, quelques points ressortent de la COP égyptienne : d’une part, c’est un sommet qui se tient dans un contexte international particulièrement tendu et nous allons donc suivre avec attention les annonces conjointes et toute forme de coopération, et, d’autre part, c’est une échéance unique pour le renouvellement des ambitions nationales. En effet, il avait été décidé en 2015 que tous les 5 ans, les parties (c’est-à-dire en majorité, des États) remettraient de nouvelles feuilles de route, plus ambitieuses que leurs précédentes. L’idée était d’instituer une dynamique d’émulation et de rehaussement des ambitions (soit des promesses d’émissions de gaz à effet de serre réduites, année après année). 2020 devait donc être le premier palier : il fut décalé à 2021 en raison de la pandémie. Mais les feuilles de route rendues publiques en 2021 furent décevantes pour beaucoup d’observateurs. La COP27 est donc unique car elle exige de nouvelles feuilles de route, hors des paliers prévus tous les 5 ans. Nous verrons ce qu’il en ressort.

Le 26 octobre, l’agence de l’ONU pour le climat a alerté sur le fait que les engagements climatiques internationaux sont très loin d’atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris, à savoir limiter le réchauffement à 1,5°C. Les COP sont-elles encore crédibles pour faire face à l’urgence climatique ?

Cela fait directement référence aux éléments mentionnés plus haut : pour calculer vers quel horizon on se dirige, les modélisations s’appuient sur les promesses faites par les Parties. Cette alerte cherche donc à rappeler aux États et aux Parties qu’il est crucial de rehausser les ambitions, quelques semaines avant le début de la COP et la remise des feuilles de route. C’est la dernière ligne droite pour se montrer plus engagé que son voisin et à la hauteur du défi.

Les COP sont nécessaires, car elles constituent des arènes de discussion indispensables. Elles sont également essentielles à la hausse simultanée des ambitions. Toutefois, ces ambitions ne sont que des feuilles de route, elles ne sont pas contraignantes et en aucun cas liées à d’éventuelles sanctions. C’est pourquoi les COP font partie d’un système plus global de lutte contre le changement climatique, et n’en sont qu’un outil. Ainsi, les instituts de recherche, le GIEC ou encore les ONG sont des acteurs structurants, car ils créent une pression auprès des acteurs publics et privés pour que les engagements soient respectés. Dernièrement, ce sont les procès devant des cours de justice qui sont également venus s’ajouter à cette pression. L’opinion publique peut elle aussi jouer un rôle crucial, le vote étant une voie d’expression privilégiée.

Au début du mois d’octobre, lors de la pré-COP27 à Kinshasa, la République démocratique du Congo a réaffirmé sa difficulté à concilier la lutte contre l’extrême pauvreté et le coût de l’adaptation au changement climatique. L’enjeu principal de cette COP 27 n’est-il pas celui de la relation « Nord/Sud » et du financement de la lutte contre le changement climatique ?

C’est un véritable défi qui a été mis en lumière par la République démocratique du Congo : comment articuler développement économique, atténuation et adaptation au changement climatique ? Un des facteurs de cristallisation des tensions lors des COP est celui du rôle des pays historiquement les plus émetteurs (globalement, les puissances occidentales) ainsi que des plus gros émetteurs actuels (notamment la Chine) dans la lutte contre le changement climatique. Depuis quelques années, les pays les plus défavorisés et les plus exposés aux conséquences des changements climatiques réclament des compensations pour les dommages qui leur ont été causés par des émissions dont ils ne sont nullement responsables. Un dispositif de financement et de compensation (appelé les « pertes et dommages ») sera au cœur des discussions de cette COP. La question des financements est cruciale : faut-il compenser et comment ? Comment aider efficacement à l’adaptation (quand beaucoup d’États n’ont pas les ressources nécessaires pour être informés des fonds disponibles) et ne pas s’engager dans des scénarios de lock-in énergétiques, par exemple ? Enfin, où trouver les fonds, comment les distribuer, qui prioriser ?

Dans un monde plus incertain et dans lequel les grandes puissances font face aux conséquences de la pandémie, à des ruptures d’approvisionnement énergétique ou au retour de la guerre, la question de l’allocation des budgets pour la lutte contre le changement climatique risque de devenir un sujet épineux, voire politiquement compliqué à porter. Il s’agit en effet ici pour des gouvernements de pays développés de dédier des fonds importants à des projets au profit des pays les plus défavorisés. Si, en politique intérieure, ce peut être un message délicat, ce sont des investissements nécessaires pour la sécurité au long terme de toute une partie de l’humanité. Ce sera également un élément à suivre avec attention à cette COP27.
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