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Coupe du monde de football 2022 au Qatar : « Ce sera pire en 2026 ! »

Presse
17 octobre 2022
Interview de Pascal Boniface - La Dépêche



Pourquoi le Qatar tient tant à s’offrir une place dans le monde du sport et plus particulièrement le football ?

Le sport c’est quelque chose qui touche tout le monde, tous les citoyens ; et le football est le plus visible d’entre eux. C’est une façon de pouvoir saisir le monde de façon universel. Le Qatar est un pays riche mais petit qui est coincé entre deux géants : l’Arabie Saoudite et l’Iran. Et il s’est dit qu’en misant sur le sport, il existerait sur la carte pour éventuellement susciter de la sympathie ou de la popularité et que cela serait une façon de protéger sa souveraineté.

À quel point ce Mondial est important pour le pays ?

Le Mondial de football, c’est l’événement sportif le plus connu et célèbre et celui qui rassemble le plus de monde, avec les Jeux Olympiques. C’est un enjeu essentiel pour le Qatar que ce dernier soit réussi et que les gens le regardent.

Justement, avec les polémiques qui l’entourent, à moins de deux mois de son lancement, est-ce qu’il peut être une réussite ?

En fait ce que le Qatar n’a pas calculé, c’est que la visibilité peut également entraîner des critiques et pas seulement de la popularité. Du coup, aujourd’hui, le Qatar est connu de tout le monde, ce qui n’était pas le cas le jour où il a reçu l’attribution du Mondial (2010, NDLR), mais en même temps il est beaucoup plus critiqué. C’est un peu les deux revers de la médaille. Le Qatar a été un peu lent pour réagir aux accusations concernant le sort des travailleurs émigrés, il l’a fait avec un peu de retard. Et donc aujourd’hui on peut dire que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. À moitié plein, parce que le Qatar a fait des efforts reconnus par l’Organisation internationale du travail et que la situation est un peu meilleure que dans les autres pays de la région. À moitié vide, car les ONG (Organisation non gouvernementale) et les Droits de l’Homme estiment que les efforts n’ont pas été suffisants. Amnesty International, qui est l’ONG la plus active, ne demande pas le boycott de la Coupe du monde, mais que cet événement serve de levier pour faire pression sur le Qatar afin qu’il améliore le sort des émigrés au quotidien.

Comprenez-vous ce mouvement de boycott ?

Il y a un peu de tout dans ce mouvement. Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est que l’on ne cible que la Coupe du monde de football. Soit le Qatar est un pays tout à fait infréquentable et dans ce cas-là il faut non seulement boycotter la Coupe du monde mais aussi ne pas lui vendre des « Rafales », des Airbus, ne pas lui acheter de gaz, de pétrole… Ce qu’on ne fait pas.

Ces relations entre la France et le Qatar sont-elles la raison du non-positionnement de la France sur l’attribution de cette Coupe du monde ?

La France a des relations étroites avec le Qatar, qui nous a été très utile sur l’évacuation de nos compatriotes à Kaboul. Et puis surtout l’attribution du Mondial a été faite en 2010 donc il est un peu tard pour se rendre compte de la situation maintenant. Mais la France, en tant que pays, ne va pas demander le boycott de la Coupe du monde.

Il y a également la question des stades climatisés au Qatar…

À mon avis en novembre, on n’aura pas besoin de climatiser les stades car il va faire la température d’un printemps en France. Ce qui va poser le plus de problèmes en termes d’environnement, c’est le fait que de nombreux supporters ne vont pas résider à Doha mais à Dubaï, Abu Dhabi et qui devront prendre l’avion pour aller voir les matchs. Mais ce sera bien pire quand la Coupe du monde aura lieu aux États-Unis, au Mexique et au Canada en 2026.

Pour terminer, pouvez-vous nous présenter votre dernier livre en quelques mots ?

C’est un peu un historique de cette compétition : comment elle est née, comment elle s’est établie… Puis après le livre parle des aspects sociétaux du football par rapport à la place des femmes, au racisme, à l’argent…






Propos recueillis par Kévin Carrière pour La Dépêche.


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