ANALYSES

UN Ocean Conference à Lisbonne : quel avenir pour les océans ?

Interview
11 juillet 2022
Le point de vue de Julia Tasse


Du 27 juin au 1er juillet se tenait à Lisbonne (Portugal) la deuxième conférence de l’océan de l’ONU, surnommée UNOC pour « UN Ocean Conference ». Les retours de Julia Tasse, chercheuse à l’IRIS en charge du Programme Climat, énergie et sécurité, sur les grands enjeux de ce rendez-vous.

Malgré quelques retours dans la presse, cette conférence a fait relativement peu parler d’elle. Dans quel contexte est-elle organisée ? Par qui ? Quels en sont les enjeux et les objectifs ?

En effet, l’actualité politique nationale était au cœur des débats en cette fin juin. Pourtant, la conférence qui s’est tenue à Lisbonne revêt une importance capitale pour l’avancée de la connaissance et de la protection de l’océan. Il est essentiel de remettre ce rendez-vous dans son contexte : il fait suite à une première conférence sur l’océan, qui a eu lieu en 2017 au siège de l’ONU, à New York (États-Unis). Cette première conférence avait pour objectif de mettre au cœur d’une arène de discussion internationale ce vaste espace vital que sont les mers. Elle avait mené à la publication de milliers d’engagements d’acteurs privés et publics pour contribuer à mieux connaître, mieux protéger et exploiter de manière plus responsable l’océan. Cette deuxième conférence y faisait suite, réunissant les mêmes acteurs : le monde maritime, les entreprises, des militants, des chercheurs, des hommes politiques, etc.

Pourquoi l’océan ? Et pourquoi 2022 ?

Depuis une dizaine d’années, les pays membres de l’ONU et en particulier des conventions-cadres sur le climat et la biodiversité sont de plus en plus conscients de la centralité de l’océan et de sa santé pour l’humanité : régulation d’un climat que l’on dérègle, sécurité alimentaire, importance culturelle et cultuelle, etc. Cette conférence permet d’y consacrer une semaine entière. La deuxième édition de cette conférence devait originellement se tenir en juin 2020, mais, en raison de la pandémie de Covid-19, elle a été reportée plusieurs fois. Cela a fait de 2022 une année cruciale, un possible tournant dans notre rapport à la mer : d’abord par le One Ocean Summit, organisé en février à Brest, puis par la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU Environnement pour en finir avec la pollution plastique (un accord contraignant doit être proposé dans les prochaines années) en mars, ensuite avec l’accord tant attendu (depuis 2001) des membres de l’Organisation mondiale du commerce pour interdire certaines subventions qui encouragent des pratiques de pêche néfastes en juin, et enfin avec cette conférence, qui sera suivie des conférences des parties des conventions sur le climat et la biodiversité (respectivement en novembre et en décembre 2022).

Nous avançons, mais la question de la mise en œuvre des grands principes édictés reste centrale. Nous aurons la chance de pouvoir suivre cela de près, le Costa Rica et la France accueillant la prochaine édition qui se tiendra à Marseille en 2025.

Quelles ont été les grandes annonces de cette conférence ? Les sujets principaux ?

Le premier jour a été marqué par le discours du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui a affirmé qu’il y avait une « urgence océanique » et exhorté les participants à l’action. Par la suite, de nombreux sujets ont été abordés comme la décarbonation du transport maritime, les enjeux d’adaptation des territoires côtiers et insulaires ou encore la protection des eaux internationales et des grands fonds. Ce dernier sujet a d’ailleurs cristallisé les débats, alors que des discussions sont en cours à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) autour de l’adoption ou non d’un code minier (d’ici juillet 2023). Ce dernier permettrait de facto l’exploitation des ressources minières des grands fonds (alors que seule l’exploration est aujourd’hui autorisée, c’est-à-dire la mise en place de programmes d’estimation des ressources éventuelles et de leur accessibilité). Alors que certains pays affichaient un soutien sans faille à un moratoire sur ce code minier, d’autres promouvaient l’idée de mieux connaître pour mieux exploiter. Dans ce contexte, à quelques jours de l’ouverture de la 27e session de l’AIFM (qui débute le 4 juillet, mais dont l’Assemblée se tient début août), le discours du Président Emmanuel Macron soulignant le besoin « d’un cadre légal pour stopper l’exploitation minière en haute mer », a constitué un moment fort de la semaine.

Qu’en sera-t-il de la position française lors de la 27e session de l’AIFM fin juillet et début août ? Quel avenir pour nos fonds marins dans la zone internationale ? Quelle direction prendra la transition énergétique, alors que nous estimons nos besoins en minerais de plus en plus importants, au péril des espèces fragiles des abysses ? Les prochains mois seront décisifs, et la position française sera à suivre avec attention.

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