ANALYSES

2022 : année géopolitique pour le sport

Presse
12 mars 2022
Doit-on anticiper un accroissement des enjeux géopolitiques autour du sport en 2022 ?

Effectivement, l’année sportive à venir s’annonce particulièrement agitée sur le plan géopolitique avec deux grands événements internationaux qui sont ô combien contestés : la Coupe du monde masculine de football au Qatar qui aura lieu en novembre et les Jeux olympiques et paralympiques [JOP] d’hiver de Pékin qui débutent à l’heure où nous réalisons cet entretien. Ces derniers sont par exemple impactés par le durcissement des relations entre la Chine et les États Unis, ce qui s’est traduit par l’annonce d’un boycott diplomatique américain… Toutefois, je nuancerai également un peu le tableau par rapport à un éventuel « accroissement » car il me semble que les tensions géopolitiques étaient déjà très présentes lors de compétitions sportives internationales au cours des dernières années. On peut clairement identifier des pics, mais des crispations entre des États s’étaient ainsi déjà manifestées lors du Mondial de football masculin en Russie en 2018, pendant certains matchs de l’Euro de foot masculin 2021 ou même autour des Jeux de Tokyo l’année dernière… À mon sens, 2022 représente plutôt la confirmation que le sport constitue, plus que jamais, un terrain d’affrontement géopolitique. Et ces deux temps forts que sont les JOP de Pékin ou la Coupe du monde au Qatar en seront singulièrement l’illustration.

Le sport constitue-t-il encore un instrument au service de la rencontre pacifique entre les peuples ?

Je suis assez d’accord avec ce postulat puisque, littéralement, les grands événements sportifs permettent la rencontre entre des nations, des équipes et des personnes de diverses origines ou convictions. Par contre, je vais rebondir sur la formulation de la question et l’usage du terme « instrument » car le CIO ou la Fifa insistent régulièrement sur leur capacité unique à pouvoir rassembler au-delà des divergences entre les peuples, des oppositions politiques ou religieuses. Sur le papier, c’est effectivement le cas. Cependant, ce n’est pas pour autant que des choses positives vont en ressortir… Sepp Blatter, l’ancien président de la Fifa, rêvait d’obtenir le prix Nobel de la paix pour son organisation, au nom du rôle d’apaisement du football dans les conflits qui agitent le monde, mais c’était complètement se fourvoyer… Oui, le sport peut s’avérer un outil de rencontre entre les peuples et les pays, mais on ne peut pas espérer une automaticité concernant de possibles effets bénéfiques. D’autres acteurs (politiques, sociaux, etc.) doivent intervenir pour qu’un tel cercle vertueux aboutisse. Par ailleurs, il peut aussi surgir des conséquences contre-productives. Les rencontres sportives internationales sont mêmes susceptibles de créer des tensions entre divers protagonistes ou de les accroître.

La pandémie a-t-elle pesé sur les enjeux géopolitiques dans le sport ?

J’aurais tendance à répondre oui et sur trois niveaux. D’abord, je repère un lien évident entre le fait qu’aujourd’hui, on en tende davantage les sportifs et les sportives s’exprimer et se mobiliser concernant des sujets sociétaux ou autres et le Covid-19. Beaucoup de choses sont passées par les réseaux sociaux depuis l’arrivée de cette dernière, des canaux auxquels on a été plus attentifs. Avec la pandémie, les sportifs et les sportives se sont donc affirmés comme partie prenante de la géopolitique du sport, même s’il faut noter que cela reste un phénomène relativement fragile et majoritairement occidental… D’autre part, le Covid-19 a également montré et révélé une vraie nécessité de réformer la gouvernance internationale du sport et de penser un modèle alternatif, penser ce fameux « sport de demain », bien que ce le terme s’avère, je le reconnais, assez vague. Troisième point : la confirmation de l’émergence de nouvelles tensions et la montée en puissance de nouveaux acteurs mondiaux. J’ai déjà cité la situation entre la Chine et les États-Unis, et il s’agit de remarquer la place croissante désormais occupée par des États telle que l’Arabie Saoudite dans la géopolitique du sport. Depuis 2015, le royaume investit massivement à travers l’accueil de grandes compétitions internationales ou l’investissement dans des structures. Le rachat du club anglais de Newcastle en 2021 témoigne de son appétit grandissant. Cette arrivée, tout sauf discrète, peut d’autant plus crisper les autres
nations importantes et ses voisins proches comme le Qatar et les Émirats Arabes Unis qui investissent, eux, depuis longtemps dans la scène sportive.

 

Propos recueillis par Nicolas Kssis pour Sport et Plein air.
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