ANALYSES

Coronavirus : quelles conséquences pour la Chine ?

Interview
5 février 2020
Le point de vue de Barthélémy Courmont
 


Près d’un mois après les premiers cas du coronavirus et avec plus d’une vingtaine de pays touchés par l’épidémie, comment la Chine est-elle impactée par ce virus ? Le point de vue de Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS.

Dix-huit ans après l’épidémie du SRAS, que révèle le coronavirus sur la manière dont l’État chinois gère une crise sanitaire ?

Il y a des progrès, mais il y a aussi des évolutions qui justifient de grandes inquiétudes. D’un côté, les autorités ont retenu la leçon du SRAS, et la lenteur dans la mise en place de dispositifs appropriés. La Chine avait alors montré ses limites, avant de se reprendre et de lutter, efficacement, contre cette épidémie. Cette fois, même si nombreux sont ceux qui critiquent la réactivité chinoise, il convient de noter l’importance des dispositifs, dont la construction d’un hôpital en dix jours n’est que la face visible, la partie « communication » si on peut dire. Les mesures sont exceptionnelles et même inédites, ce qui traduit une vraie prise de conscience.

D’un autre côté cependant, la gestion de la crise reste très opaque, et la Chine assure contrôler la situation tandis que des informations très contradictoires fuitent. Les contacts avec l’OMS sont établis, mais au-delà, les autorités chinoises pourraient, et devraient, faire appel à une aide internationale leur permettant de lutter plus efficacement contre l’épidémie. La mise en quarantaine est une mesure forte, mais elle devrait s’accompagner d’un travail d’encadrement des malades face auxquels les médecins chinois sont évidemment en nombre insuffisant, compte tenu de l’ampleur du phénomène. Au lieu de cela, la Chine préfère gérer la crise seule et se contente de dispenser des informations dont le contenu inquiète autant qu’il rassure.

Quels sont les impacts de l’épidémie sur l’économie chinoise ?

Immenses, et pas encore identifiés avec précision, tant le développement de l’épidémie impose de nouvelles mises en quarantaine en permanence. On parle de villes entières, de régions densément peuplées, de millions de personnes. L’économie chinoise tourne désormais au ralenti dans de nombreuses provinces, car si le Hubei est la plus affectée, d’autres provinces très peuplées et indispensables au bon fonctionnement de l’économie chinoise, comme le Zhejiang ou le Guangdong, sont également très touchées et les risques épidémiques y sont très élevés. L’économie chinoise sera évidemment fortement affectée par cette crise, mais il est difficile de savoir à quelle hauteur, tout dépendra de la durée de la crise.

N’oublions cependant pas que derrière la Chine, c’est l’économie mondiale qui va être profondément impactée. À l’époque du SRAS, la Chine était encore un pays en développement, et son intégration dans l’économie mondiale était encore balbutiante. Désormais ce pays est la première puissance exportatrice mondiale, un consommateur de premier plan, et un lieu de production pour une multitude de produits. L’essoufflement de l’économie chinoise aura des répercussions planétaires, aussi est-il indispensable de proposer une assistance à la Chine dans la gestion de cette crise, au-delà des paramètres humanitaires.

Certains citoyens demandent plus de transparence de la part du gouvernement chinois. Cette crise sanitaire pourrait-elle amener à des changements politiques dans le gouvernement chinois vis-à-vis de la population ?

Les réseaux sociaux chinois se sont sans surprise emparés de cette crise, qui est commentée en abondance. Nombre de victimes contesté, critiques sur la réactivité des autorités… Tout ne doit pas être pris au premier degré, mais les critiques innombrables concernant la gestion de la crise et, notamment, le fait que les autorités masqueraient l’ampleur du phénomène, doivent nous alerter non seulement sur la vitalité de l’opinion publique chinoise, mais aussi sur les inquiétudes très fortes face au coronavirus.

La confiance que les Chinois accordent à leurs dirigeants pourrait être profondément affectée dès lors qu’il y aurait un doute sur la capacité à gérer cette crise. Or, la légitimité du pouvoir chinois repose précisément sur la confiance que la population lui accorde dans sa gestion des affaires. Dès lors, au-delà d’un nécessaire travail de communication, les dirigeants chinois doivent s’interroger sur la reconstruction d’une relation de confiance, au risque de voir sa légitimité être contestée.

Il convient cependant de rester prudent quant à une perte de légitimité du pouvoir et de Xi Jinping et des effets positifs qui en résulteraient. Une gouvernance chaotique de la Chine aurait des conséquences très néfastes sur l’économie de ce pays, et par extension du monde, mais aussi sur la stabilité du pays le plus peuplé de la planète. Là est donc le paradoxe, si les démocraties occidentales ont de bonnes raisons de critiquer le régime chinois pour son opacité et une gestion discutable de l’épidémie, le règlement rapide de la crise et le maintien de l’autorité centrale chinoise sont aujourd’hui indispensables. Et la crise du coronavirus en est un bon indicateur.

 
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