ANALYSES

Objectifs de développement durable : quel bilan dresser en matière de santé et de bien-être en 2019 ?

Tribune
13 septembre 2019
 



« Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge », telle est l’ambition n°3 des Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030, programme universel pour le développement durable porté par les Nations unies. Nous sommes à 18 millions de personnels de santé de l’atteindre ! 18 millions, c’est l’équivalent de la population de Tokyo et New York réunies. 18 millions d’infirmiers, sages-femmes et médecins à former et motiver à exercer dans les déserts médicaux qui représentent la très grande majorité du globe, sachant que 40% des pays ont moins d’un médecin pour 1000 personnes. Attention à ne pas faire de raccourci, la notion de « désert médical » est présente partout, que ce soit dans le bush australien, les montagnes au Pakistan ou certaines zones rurales de France.

Difficile avec un tel manque de personnel, de pouvoir assurer une offre de soin adéquat et adapté aux besoins qui sont très nombreux.

Pour 2030, on s’attend à atteindre un taux de mortalité infantile (moins de 5 ans) inférieur à 25 décès pour 1000 naissances : 118 pays ont déjà atteint cet objectif, mais 50 restent à ce jour toujours loin derrière… La majorité d’entre eux sont situés en zone subsaharienne où depuis 1989, se sont enchaînés conflits armés et déplacements de population en affectant de manière certaine et durable la qualité des soins, voire son existence.  Quasi 50% des décès des moins de 5 ans se produisent dans le premier mois de vie.

Également, 2,5 millions de vies sont perdues par manque d’eau potable, de réseaux d’assainissement, de foyers équipés de toilette, de vaccinations, d’allaitements et de médicaments adaptés au traitement de la diarrhée et de la pneumonie. Ces basiques sont bien les prérequis à toute velléité d’amélioration de la situation sanitaire. Ces mêmes essentiels ont récemment permis au pays du Nord de gagner jusqu’à 30 ans d’espérance de vie en moins d’un demi-siècle. Pour généraliser ces avancées, il faut des investissements, mais ceux-ci s’essoufflent et manquent.

C’est le cas en matière de santé maternelle ces dernières années. La majorité des décès maternels sont en effet évitables par des mesures simples, telles que le suivi anté et postnatal, la présence d’un personnel de santé qualifié à l’accouchement, le planning familial…. Mais que penser lorsque l’on sait que les ODD ne mentionnent pas l’accès aux services d’interruption de grossesse médicalisée dans ces objectifs ? Il est fort peu probable qu’une grossesse non désirée soit le meilleur contexte pour prendre soin de sa santé, d’autant qu’elle incite les avortements non médicalisés, responsables d’une mortalité et morbidité record chaque année. On retrouve ainsi l’influence de la politique de certains pays dans cet « oubli » malheureux.

À côté de cela, la vaccination suit son chemin. En 2017, près de 116,2 millions d’enfants ont été immunisés, un record pondéré par des poches de « résistances » qui permet régulièrement la résurgence d’épidémie de rougeole et/ou de diphtérie. Le vaccin contre le pneumocoque est lui à la traîne du fait de son coût que ne peuvent se permettre de nombreux pays. Une politique de choix qui se base sur l’économie des uns et le profit des autres, sans se soucier du « sans frontiérisme » qu’affectionnent également les virus et autres éléments infectieux. Prévenir ici, oublier là-bas est à l’heure de la mondialisation débridée, une logique à la limite du pathogène.

Le VIH, lui perd du terrain grâce aux investissements et l’attention que la communauté internationale lui prodigue ces dernières années, des progrès visibles également avec la diminution de la transmission materno-fœtale du virus. L’Afrique subsaharienne signe les meilleurs progrès avec une diminution de 37% d’incidence du VIH chez les adultes entre 2010 et 2017, alors que certaines régions enregistrent un pic de recrudescence de nouveaux cas de VIH dont l’Asie centrale et l’Europe avec une augmentation respective de 51 et 22% de son incidence de 2010.

Le paludisme aussi était sur une pente descendante dix ans durant jusqu’en 2015, et stagne depuis.  En 2017, les 10 pays africains les plus affectés par le paludisme ont ainsi enregistré plus de 3,5 millions de cas supplémentaires par rapport à 2016. Est-ce du fait d’une amélioration générale de la détection et rapport des cas, ou une véritable augmentation (résistances des moustiques aux insecticides, élargissement de la zone géographique du moustique due au changement climatique, accès aux soins diminués dans les zones de conflit) ? Les années prochaines nous aideront à déterminer cela. On peut cependant d’ores et déjà craindre de ne pouvoir atteindre l’objectif de mettre fin à l’épidémie de paludisme pour 2030.

Même constat pour l’objectif 3.9 consistant à « Réduire nettement le nombre de décès et de maladies dus à des substances chimiques dangereuses, à la pollution et à la contamination de l’air, de l’eau et du sol », que l’on pourrait associer à l’objectif 3.6 visant d’ici à 2020 à « diminuer de moitié à l’échelle mondiale le nombre de décès et de blessures dus à des accidents de la route ». Promouvoir les transports publics et la pratique du vélo pourrait accélérer les avancées dans ce domaine, mais certainement pas tant qu’on se bornera à croire que le véhicule électrique est la solution aux problèmes de pollution, de congestion et d’accidents… On ne peut en effet espérer voir diminuer les décès dus à la pollution et permettre la publicité incessante vantant les performances des SUV diesel qui finissent par envahir nos rues, trottoirs et poumons.

Alors que les ODD ont pour cible la totalité des 193 États membres de l’ONU, certains items se permettent de mentionner leurs cibles, majoritairement les pays « en développement » à l’image de l’objectif 3.c : « Accroître considérablement le budget de la santé, le recrutement, le perfectionnement, la formation et le maintien en poste du personnel de santé dans les pays en développement, notamment dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement. » Des recommandations qui font pourtant étrangement écho aux revendications des milliers d’urgentistes grévistes ces derniers mois en France… Dans les pays en développement et tous les autres, la santé reste un coût que certains ont du mal à investir. Il est temps de penser des financements innovants et taxer les industries pathogènes. (automobile, alimentaire, etc.)

En définitive, quel est le plus grand obstacle à la réussite des objectifs du développement durable ? Ils sont nés, vivent, se développent (et vont mourir ?) dans les organisations internationales, utilisés pour glaner des fonds des institutions publiques par les ONG et territorialité.  Mais le grand public ne les connaît pas, et le monde politique et industriel se plaît à les ignorer. Pour atteindre les objectifs du développement durable, il va être nécessaire d’améliorer la sensibilisation, la cohérence et la coordination à tous les niveaux et de la part de tous les acteurs, de la société civile jusqu’aux gouvernements, en passant par l’industrie et les agences de publicité. De cela, nous manquons encore cruellement…
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