ANALYSES

L’Afrique au carrefour d’une nouvelle ère de diplomatie économique : la nécessité de sortir des modèles d’investissement traditionnels

Tribune
25 avril 2019
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Tandis que la Chine et plusieurs pays émergents continuent d’accroître leur présence sur le continent africain, l’Europe et les États-Unis mettent l’accent sur leurs relations commerciales et investissent dans des partenariats dits d’« égal à égal » et « mutuellement bénéfiques ». De la nouvelle institution de financement du développement des États-Unis à l’Alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables, cette approche d’intensification de la concurrence par la diplomatie économique cherche à lier l’aide au développement traditionnelle et d’autres financements publics à des investissements privés. Ces derniers représentent en effet une opportunité unique de poursuivre un changement structurel indispensable sur le continent. Néanmoins, les résultats au niveau des pays dépendront fortement de l’impact qu’ils auront sur le revenu intérieur, de la valeur ajoutée locale et de leur capacité à sortir des modèles d’investissement bien connus du passé. Si tel n’était pas le cas, les grands gagnants risquent d’être les investisseurs étrangers, avec des taux de rentabilité élevés associés à des garanties publiques, au détriment du développement au niveau local.

Miser sur la force de frappe des investissements dans l’agenda mondial du développement

Dans un contexte de coupes budgétaires drastiques dans l’aide au développement américaine depuis 2017, l’adoption de la loi BUILD[1] le 5 octobre 2018, dont est issue la nouvelle institution de financement du développement des États-Unis (US International Development Finance Corporation – USDFC), a dû en surprendre certains. Avec 60 milliards de dollars pour encourager l’investissement du secteur privé dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, la USDFC est dotée du double de financement de son prédécesseur, la Société de promotion des investissements privés à l’étranger (OPIC), et sera fusionnée avec l’Autorité de crédit au développement de l’USAID. Fruit de plusieurs années de lobbying de la part des think tanks américains pour réformer le financement du développement international des États-Unis, ce nouveau modèle est dans le sillon d’une utilisation accrue des garanties publiques et du capital financier pour encourager les entreprises des pays donateurs à investir dans les économies florissantes.

L’un des principaux objectifs de la USDFC est d’offrir des alternatives aux investissements chinois dans les pays en développement, une ambition qui est notamment soulignée dans la stratégie de Donald Trump vis-à-vis de l’Afrique de décembre 2018. Elle a été publiée en même temps que la stratégie d’engagement du secteur privé. Deux ans après le début du mandat du président américain, et après plusieurs déclarations dédaigneuses envers le continent, cette stratégie vise à ouvrir les marchés aux entreprises américaines et à augmenter la réciprocité commerciale pour freiner « les pratiques prédatrices conduites par la Chine et la Russie [qui] retardent la croissance économique en Afrique, menacent l’indépendance financière des nations africaines, entravent les opportunités d’investissement américain, interfèrent avec les opérations militaires américaines, et constituent une menace significative pour les intérêts américains de sécurité nationale »[2]. La Chine a en effet financé plusieurs projets de haut niveau comme le siège de l’Union africaine et des lignes ferroviaires en Éthiopie, à Djibouti, au Kenya, en Angola et au Nigéria, via des emprunts et d’autres modalités. C’est surtout depuis l’ouverture en 2017 d’une base militaire chinoise proche de la base militaire américaine permanente, Camp Lemonnier, à Djibouti, que les États-Unis ont exprimé de plus en plus d’inquiétudes face aux initiatives chinoises gagnant du terrain à travers le continent.

Côté Union européenne, Jean-Claude Juncker a mis l’emphase sur la création d’un partenariat « d’égal à égal » en annonçant l’Alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables, en septembre 2018. Il a été suivi par le chancelier autrichien Sebastian Kurtz qui, au Forum de haut niveau Afrique-Europe à Vienne en décembre 2018, a suggéré de détourner l’attention de la menace de l’immigration, qui constitue pourtant une préoccupation majeure de son gouvernement, vers le potentiel des marchés africains. Cette alliance, qui se concentre sur la mobilisation d’investissements privés et sur le renforcement de l’intégration économique et commerciale, arrive à l’heure où l’Union européenne renégocie ses relations commerciales avec le continent via les Accords ACP-UE de Cotonou, qui expirent en 2020. Au vu de la réticence des pays africains à accorder un accès en franchise de droits de douane aux produits européens sur leurs marchés internes, les accords de Cotonou n’ont pas réussi à installer un véritable système de libre-échange réciproque entre les deux continents[3].

En ce qui concerne les investissements stratégiques et la création d’emplois, l’Alliance Afrique-Europe bénéficiera de ressources financières du Plan d’investissement extérieur de l’UE[4] et son Fonds européen pour le développement durable (FEDD), qui a été fondé en 2017. La stratégie de ce dernier est de promouvoir l’investissement du secteur privé vers des domaines « durables » en fournissant des subventions, des prêts et des garanties pour sécuriser leurs opérations. On estime ainsi que la contribution initiale de 4,1 milliards d’euros pourrait permettre de mobiliser 44 milliards d’euros d’investissements privés dans les pays où les entreprises seraient habituellement hésitantes à se positionner. Pour le prochain budget européen 2021-2027, ce cadre d’investissement pour l’action extérieure pourrait aller jusqu’à 60 milliards d’euros.

Le financement mixte, le nouveau mantra de la coopération au développement

La stratégie reposant sur la combinaison fonds publics/fonds privés fait partie d’une tendance globale visant à une plus grande implication des outils commerciaux et financiers dans l’agenda mondial du développement. Cela s’est notamment accéléré avec la Conférence sur le financement du développement en 2015, qui s’est déroulée à Addis-Abeba (Éthiopie) avant l’adoption de l’Agenda 2030 de développement durable. Depuis lors, on a beaucoup parlé d’utiliser des fonds publics pour faire venir le secteur privé comme un remède miracle pour le développement. Les institutions européennes de financement du développement – des banques de développement appartenant majoritairement au gouvernement – ont sensiblement augmenté leurs portefeuilles combinés ces dernières années (de 10,9 à 37,2 milliards d’euros entre 2005 et 2017). La France renforce ainsi ses programmes d’investissements via le PROPARCO, qui vise à transformer sa politique d’aide au développement en « faisant une véritable politique d’investissement solidaire »[5]. L’Allemagne, durant sa présidence du G20 en 2017, a lancé l’initiative Compact with Africa visant à attirer les investisseurs et exportateurs allemands avec des garanties, un fond d’investissement et des réformes commerciales dans les pays africains. Celle-ci souligne une fois encore l’ambition d’un partenariat d’égal à égal aux bénéfices mutuels qui permettraient aussi de contribuer à la lutte contre les « causes profondes de la migration »[6].

Ces interventions susmentionnées vont probablement recevoir un coup de pouce supplémentaire avec la réforme en cours sur l’Aide publique au développement (APD) du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. Il est en effet en train de réviser les définitions statistiques permettant de comptabiliser les parts plus élevées d’investissement et de financement liés au commerce en tant qu’APD. Un élément clé de cette réforme implique de nouvelles règles sur la manière de déclarer les prêts publics, les actions et les garanties accordées aux entreprises, qu’elles soient européennes, américaines ou locales, en tant qu’APD. À une période où les engagements de l’APD stagnent, cela risquerait de réduire d’autant plus la part des financements non commerciaux qui arrivent réellement dans les pays en développement et qui peuvent être investis par les gouvernements dans leurs services publics, sans objectifs de rentabilité. Lancés en 2014, les progrès autour du calcul de ces instruments du secteur privé ont été moins simples que prévu initialement. Des organisations de la société civile (OSC), certains gouvernements et des anciens présidents du CAD de l’OCDE se sont mobilisés pour préserver le caractère concessionnel de l’aide au développement. Toutefois, les récentes décisions de haut niveau et l’adoption de directives provisoires légitiment la comptabilisation d’une grande partie des contributions des institutions de financement du développement (IFD), et les règles qui seront adoptées peuvent aller encore au-delà.

Il n’y a aucun doute sur le rôle crucial joué par le secteur privé dans le développement socio-économique d’un pays, notamment pour augmenter les recettes fiscales locales,  pour revigorer les économies et pour créer des opportunités d’emplois décents, dont le besoin est urgent. Il n’y a aucun doute non plus que beaucoup de pays et d’entreprises en Afrique ont cruellement besoin d’investissements stratégiques promouvant leur capacité à produire des biens de consommation locaux et contribuant aux chaînes de valeur mondiales. Pourtant, augmenter les montants investis ne garantit pas d’atteindre automatiquement des résultats durables pour les populations. Les coûts additionnels et les risques potentiels – de la fraude fiscale aux impacts sociaux et environnementaux néfastes bien connus de certains investissements internationaux – ont besoin d’être évalués et anticipés en amont.

Des perspectives prometteuses pour les investisseurs en Afrique

Le continent africain abrite les économies parmi les plus dynamiques, avec un potentiel important pour les transformations structurelles, l’industrialisation et les investissements stratégiques. La création estimée de 3 millions d’emplois formels est largement insuffisante pour les 10 à 12 millions de jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année. En 2015, on estimait que sur les 420 millions de jeunes sur l’ensemble du continent, seulement 1/6 avaient un emploi salarié[7].



La banque africaine du développement estime que dans le seul secteur du développement d’infrastructures, le continent a besoin d’investir entre 130 et 170 milliards de dollars chaque année. Les gouvernements africains sont de loin les plus grands investisseurs dans ce secteur (environ 40% de ceux réalisés en 2012-2016), mais un énorme déficit financier persiste[8]. Ces déficits s’observent également dans d’autres secteurs, notamment celui de l’agriculture.

Toutefois, les investissements directs étrangers (IDE) globaux ont été nettement inférieurs  à ceux d’autres régions (2,9% de tous les IDE en 2017), cumulant une moyenne de 40-50 milliards de dollars par an, concentrés principalement dans cinq pays[9]. Malgré une diversification croissante, hors de l’industrie minière qui a généralement très peu de lien avec les économies locales, les investissements dans les secteurs industriels créateurs d’emplois qui ajoutent de la valeur aux produits locaux restent faibles et souvent limités à des opportunités d’emplois à bas salaire[10].

Depuis le début du siècle, les investisseurs chinois ont été parmi les premiers à apprécier les taux de rendement élevés[11] et les opportunités d’investissement au-delà des industries extractives. Alors que les États-Unis et l’Europe (particulièrement le Royaume-Uni et la France) détiennent les stocks d’IDE les plus importants du continent, les stocks chinois ont rapidement augmenté (de 16 à 40 milliards de dollars entre 2011 et 2016[12]) et l’initiative Nouvelles routes de la soie prévoit des projets plus importants encore. Les entreprises chinoises étaient ainsi les plus grands investisseurs en 2015 et 2016, le pays se hissant aujourd’hui au rang de deuxième partenaire commercial du continent juste après l’ensemble des États membres de l’UE et devant les États-Unis.

Avec la transformation économique de la Chine, de plus en plus d’entreprises chinoises transfèrent leurs industries manufacturières à forte main d’œuvre dans des économies à bas salaire comme l’Éthiopie. Un rapport de 2017 réalisé par McKinsey estime qu’environ 10 000 entreprises chinoises opèrent sur le continent avec des rendements proches de 180 milliards de dollars par an.

Cette situation semble clairement préoccuper les gouvernements européens et américain, les obligeant à s’adapter et à encourager leurs propres entreprises à entrer en concurrence. Afin de répondre à la réticence habituelle des investisseurs à investir dans des économies à risques plus élevés, les pays de l’OCDE se sont généralement appuyés sur des traités bilatéraux. Les pays africains ont conclu plus de 1500 conventions bilatérales d’investissements et liées à la double imposition, surtout depuis les années 1990 et avec des pays extérieurs au continent. L’une des principales obligations de ces accords est de traiter les investisseurs étrangers de la même manière que leurs entreprises locales, souvent moins compétitives. Les nouveaux programmes d’investissements de l’USDFC et du FEDD devraient permettre aux investisseurs de bénéficier de garanties financières sans nécessairement avoir besoin de passer par de longues procédures d’arbitrage.

Des partenariats équitables et mutuellement bénéfiques nécessiteraient de sortir des anciens modèles

En février 2018, le gouvernement français a annoncé son retrait de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Cette initiative du G7/G8 lancée en 2012 suppose que « la voie vers une alimentation durable ne peut pas être tracée par les seuls gouvernements » et vise à attirer les investissements du secteur privé par des cadres d’investissement attrayants et le soutien de donateurs internationaux. Après que l’alliance a été largement critiquée pour sa promotion de grandes industries agroalimentaires (comme Monsanto et Mars…), de l’accaparement des terres et de l’évasion fiscale au détriment de modèles agricoles locaux et de sécurité alimentaire, des rapports de l’Agence française pour le développement (AFD) ont constaté qu’elle n’avait pas empêché des investissements nuisibles[13]. Jusqu’alors, l’Union européenne continue de participer à l’initiative, bien que le Parlement européen ait adopté une position critique.

Ceci est un exemple emblématique de la course renouvelée pour les marchés africains, qui ne peut être seulement mesurée à travers les volumes d’investissement, mais qui doit être construite dans un cadre global de promotion et de protection des marchés et revenus locaux. L’augmentation des investissements représente certes une opportunité unique d’approfondissement des changements structurels nécessaires favorisant la production locale et la création d’emplois. Mais il est encore plus important d’éviter les modèles néfastes qui risquent non seulement de détériorer les conditions sociales et environnementales des pays bénéficiaires de ces investissements, mais aussi de priver les gouvernements de ressources fiscales indispensables.

Les scandales tels ceux des Panama papers et des Paradise papers n’ont laissé aucun doute sur le fait que, pour beaucoup de firmes transnationales, l’évasion fiscale et d’autres pratiques fiscales néfastes sont plus la norme que l’exception. Selon des estimations prudentes, entre 2000 et 2017, le continent africain a perdu en moyenne 73 milliards de dollars par an dans les flux financiers illicites, notamment à cause d’une imposition inefficace et des abus en matière de facturation des échanges commerciaux par les multinationales. C’est bien au-dessus des entrées d’aide publique au développement du continent (les donateurs internationaux dépensent en moyenne 50 milliards de dollars par an pour le continent, bien que tout cet argent n’arrive pas dans les pays partenaires). Encouragés par les réglementations du système financier mondial, le secret bancaire et les incitations fiscales d’autres pays qui bénéficient de ces fonds, le mécanisme induit que plus d’argent sort des pays en développement pour aller vers le monde développé que l’inverse[14]. Une étude réalisée en 2016 par un consortium international d’OSC a révélé que de nombreuses institutions financières de développement ne disposent pas des réglementations appropriées pour empêcher de telles pratiques nocives. Augmenter les investissements étrangers sans s’attaquer aux problèmes sous-jacents risque d’exacerber le problème et de priver davantage les gouvernements africains des ressources nationales indispensables aux investissements publics dans les infrastructures et les services.

Un problème similaire se pose quant à la distinction entre entreprises locales et étrangères (multinationales ou PME). La plupart des institutions de financement du développement ont un programme pour toutes ces sociétés émettrices, mais le discours général porte simplement sur le « secteur privé » si nécessaire pour complémenter les investissements publics. Il est difficile de trouver des statistiques sur la proportion des investissements ou garanties qui finissent par aller aux entreprises locales. Alors que le continent regorge d’idées novatrices, d’initiatives et d’une main-d’œuvre jeune qui aspire à des opportunités d’emploi prometteuses, beaucoup d’entrepreneurs locaux ont des difficultés à développer et faire croître leurs projets, car ils n’ont pas accès aux financements ou à d’autres formes de soutien. L’expérience dans le domaine de l’aide publique au développement a montré que le rattachement de l’aide aux entreprises aux produits des pays donateurs non seulement élevait le coût du développement de projets de 15 à 30%, mais qu’il pouvait pratiquement détruire les entreprises locales moins compétitives à travers une concurrence déloyale. Malgré les engagements du CAD de l’OCDE de délier l’aide étrangère depuis 2011, 1/6 de la valeur réelle de l’APD mondiale en 2016 – la partie des financements qui devient réellement disponible aux pays en développement – est restée formellement liée. Un niveau encore plus élevé de paiements APD a été soumis à des procédures de restriction qui fournissent les entreprises internationales avec un avantage déloyal sur les entreprises locales[15]. De plus, les négociations de nouveaux projets offrent souvent aux pays fournisseurs l’opportunité de financer stratégiquement des projets dans des secteurs où leur entreprise d’origine est susceptible d’avoir un avantage comparatif.

La transparence vis-à-vis d’une telle concurrence déloyale est limitée dans le secteur de l’aide, elle devient encore plus compliquée lorsqu’il s’agit d’investissements subventionnés au niveau international.

L’importance de l’engagement local dans les structures décisionnelles

L’alignement sur les priorités de développement national et l’engagement des citoyens et des autorités concernées, dotés de compétences de négociations adéquates dans les structures qui décident de l’allocation aux fonds internationaux, font partie des éléments les plus importants pour éviter de tels écueils et véritablement réaliser un partenariat « d’égal à égal » et  « mutuellement bénéfique» que proposent les initiatives telles que la loi BUILD/USDFC ou le FEDD. Néanmoins, les gouvernements et les sociétés civiles des pays partenaires n’ont guère voix au chapitre sur l’attribution des subventions et garanties. Le conseil stratégique du FEDD est composé essentiellement d’institutions européennes, alors que le Parlement européen, les pays partenaires et les acteurs régionaux n’ont qu’un statut d’observateur[16].

En ce qui concerne le nouveau USDFC, les structures opérationnelles sont supposées être mises en place courant 2019, mais l’expérience du passé rend très peu probable le fait que les organes de décision changent foncièrement. L’épisode récent entre le Rwanda et l’administration américaine autour de l’interdiction d’importation de vêtements d’occasion, où le Rwanda a perdu le libre accès  aux textiles sur le marché américain à cause de sa décision de renforcer sa propre production textile, a encore une fois démontré les limites de la flexibilité de l’administration américaine à s’aligner sur les priorités des pays africains pour leur transformation structurelle. Dans l’ensemble, les dirigeants africains pourraient être sceptiques quant à l’objectif déclaré de la stratégie africaine de l’administration Trump, selon lequel les investissements d’entreprises américaines « [les] encouragent à choisir des investissements étrangers durables qui aident les États à devenir autonomes, contrairement à ceux offerts par la Chine qui impose des coûts indus ».

Dans une période où le récit politique ambiant autour de la soi-disant crise migratoire met la pression sur les décideurs européens, il est d’une importance cruciale que leurs efforts permettent vraiment un développement plus équitable sur le continent africain. S’il est vrai que des sources autres que l’APD offrent des opportunités de soutenir le véritable essor des économies en développement, la base factuelle sur l’impact du financement mixte reste faible et il est important que de nouvelles interventions et négociations commerciales ne répètent pas les erreurs du passé. Les impacts nocifs de la privatisation des services publics sous les ajustements structurels des années 1980-1990 restent un souvenir douloureux à travers le continent. En tant que telles, les réglementations appropriées et les structures décisionnelles doivent empêcher la concurrence déloyale pour les partenaires commerciaux les plus faibles. Dans le même ordre d’idées, les investissements à fort impact et l’amélioration des services publics sociaux, de santé et d’éducation par le biais d’un accroissement des services intérieurs doit devenir plus qu’une simple référence dans les documents de projet. Il sera autrement difficile de maintenir que les investissements européens et américains offrent une alternative durable aux investissements chinois qu’ils cherchent à contrer.

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[1] Better Utilization of Investments Leading to Development, Act. Pour plus d’informations : OPIC, FAQs on BUILD Act implementation, disponible en ligne [consulté le 15 avril 2019].

[2] Traduction de l’anglais. Source : Remarks by National Security Advisor Ambassador John R. Bolton on the The Trump Administration’s New Africa Strategy, 13 décembre 2018 [consulté le 15 avril 2019].

[3] Sous la forme d’Accords de partenariat économique, pour plus d’information voir EURACTIV, EU-ACP relations after Cotonou agreement, août/septembre 2019 [consulté le 15 avril 2019].

[4] Un instrument différent, mais vu comme complémentaire du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique qui finance des programmes de plus court terme pour prévenir l’immigration illégale. Pour une analyse du fonds fiduciaire, voir Esther Schneider, Les ODD s’effacent derrière la gestion précipitée des migrations, juillet 2018.

[5] Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices – Discours de M. Emmanuel Macron, président de la République, Paris, 27 août 2018 [consulté le15 avril 2019].

[6] Après la « crise migratoire » de 2015, bien que seulement une petite part des 477 000 demandes d’asile en Allemagne venait de réfugiés africains, le gouvernement allemand a ajusté sa politique africaine en mettant l’accent sur les causes de la migration (« Fluchtursachenbekaempfung »), un concept qui n’est pas prouvé scientifiquement, puisque dans sa phase initiale le développement économique déclenche généralement une augmentation de la mobilité des populations.

[7] AfDB, Jobs for Youth in Africa , Flyer, 2016 [consulté le  15 avril  2019].

[8] AfDB/OECD/UNDP, Africa Economic Outlook, 2018, p.82 [consulté  le 15 avril 2019].

[9] Source : UNCTAD, WIR 2018 Égypte, Éthiopie, Nigéria, Ghana, Maroc en 2017.

[10] UNCTAD, World Investment Report, 2018, p.38 – 39 [consulté le 15 avril 2019].

[11] Les taux de retours sur investissement africains étaient généralement plus élevés que dans d’autres régions du monde (12,3% pour une moyenne mondiale de 8,1% en 2012 et 10,6% pour une moyenne mondiale de 7,9% en 2014), mais sont descendus en dessous de la moyenne, à cause de la baisse des prix des matières premières depuis 2015. (UNCTAD ; WIR 2018 p.6).

[12] UNCTAD, WIR 2018, p.42 [consulté le 18 mars 2019].

[13] Laurence Caramel, Pourquoi la France s’est retirée de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire, Le Monde, 12 février 2018 [consulté le 15 avril 2019].

[14] Une étude de Froburg and Waris en 2010 estimait que pour chaque dollar d’aide au monde en développement, près de 10 dollars sont perdus de façon illicite. Voir UNECA, Base erosion and profit shifting in Africa: reforms to facilitate improved taxation of multinational enterprises, janvier 2018, [consulté le  15 avril 2019]

[15] Polly Meeks, Development – untied, Eurodad, septembre 2018 [consulté le 15 avril 2019].

[16] European Fund for Sustainable Development, 2017 Operational Report, p.13
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