ANALYSES

Tokyo renforce sa défense antimissile face à Pyongyang

Tribune
12 janvier 2018


Le projet de budget japonais pour l’année fiscale 2018-2019 approuvé fin décembre en conseil des ministres est marqué par un niveau de dépenses militaires record sur fond de tensions liées à la Corée du Nord.

Le poste de la défense, en hausse pour la sixième année consécutive, augmente de 1,3 % et se monte à 5 190 milliards de yens (38,6 milliards d’euros). Au sein de ce budget militaire, le poste le plus important, d’un montant de 137 milliards de yens (1 025 milliards d’euros), vise à renforcer la défense de l’archipel contre une éventuelle attaque de missile balistique de la Corée du Nord. En effet, même si en ce début d’année on observe un rapprochement entre les deux Corées – rapprochement très modeste puisqu’il porte sur la réunion des familles séparées par la division Nord-Sud et sur la participation d’athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques d’hiver qui se tiendront en février en Corée du Sud -, le Japon est sur ses gardes après deux années qui ont vu Pyongyang procéder à trois essais nucléaires et de nombreux lancements de missiles balistiques, dont certains sont passés au-dessus du Japon. Fin novembre, le régime communiste a ainsi testé un nouveau missile balistique intercontinental (ICBM) qui s’est abîmé en mer du Japon.

Face à ces menaces, le Japon va acheter un système d’interception de portée plus longue, le SM-3 Block IIA, procéder à une modernisation des batteries de missiles Patriot qui sont la dernière ligne de défense contre des ogives arrivant sur le pays, et lancer les préparatifs pour la construction de stations de radars Aegis. La proposition de construire deux batteries Aegis Ashore (donc terrestres, à la différence des systèmes Aegis déployés sur des destroyers que le Japon possède déjà) développées par Lockheed Martin, approuvée en décembre dernier par le Cabinet japonais, coûtera au minimum 2 milliards de dollars (1,67 milliard d’euros) et ce système ne sera pas opérationnel avant 2023 au plus tôt, ont cependant indiqué des sources proches de ce projet en décembre dernier.

Le gouvernement américain encourage néanmoins ces acquisitions, étant le principal allié du Japon par le Traité de sécurité de 1951, modifié en 1960. Lors de sa visite officielle au Japon début novembre, le président américain Donald Trump avait exhorté le Japon à se réarmer pour se protéger en achetant de préférence du matériel militaire américain. « C’est beaucoup d’emplois pour nous (les États-Unis) et beaucoup de sécurité pour le Japon », avait-il déclaré. Le gouvernement japonais envisage aussi de se doter de missiles américains de croisière d’une portée d’environ 900 kilomètres, capables d’atteindre la Corée du Nord. Une enveloppe de 2 200 milliards de yens (1 839 milliards d’euros) est prévue à cette fin pour lancer l’acquisition de ces missiles capables de frapper des sites militaires du « royaume ermite » (surnom parfois donné à la Corée du Nord tant ses dirigeants se comportent en empereurs tout puissants et en dynastie). Il s’agirait de dissuader Pyongyang qui continue ses tests de missiles balistiques malgré les tensions internationales. Cependant, acheter de telles armes offensives risque de faire débat au Japon, car la Constitution pacifiste du pays – par son article 9 -, depuis 1947, lui interdit de recourir à la guerre pour régler les différends internationaux.

Néanmoins côté américain, la vente de missiles défensifs avance. Le département d’État a demandé mercredi 10 janvier 2018 d’approuver la vente pour 133 millions de dollars (111 millions d’euros) des quatre missiles et du matériel connexe, qui peuvent être lancés par des destroyers en mer ou à partir d’un système terrestre. La vente des missiles antibalistiques, produits par Raytheon Co. et BAE Systems, poursuit « l’engagement du président Donald Trump à fournir des capacités défensives supplémentaires aux pays alliés menacés par le comportement provocateur de la République populaire de Corée du Nord », a déclaré mardi 9 janvier un responsable du département d’État, indique le Japan Times.

Néanmoins, cette ambition de renforcer la capacité défensive et notamment antimissile du Japon risque rapidement de se heurter aux limites budgétaires. L’ambition du Premier ministre japonais Shinzo Abe de renforcer la défense du pays et de renforcer son assise internationale se heurte aux problèmes budgétaires croissants en raison du vieillissement accéléré de la population qui se réduit chaque année. Quelque 27 % de la population nippone a plus de 65 ans, proportion qui va s’accroître à l’avenir. Cela va peser sur les jeunes générations de plus en plus réduites qui auront de plus en plus de mal à financer les dépenses sociales et de retraite. Pour 2018, le gouvernement prévoit que le déficit budgétaire primaire s’élèvera à 10,4 milliards de yens (870 millions d’euros) et le pays est le plus endetté parmi les pays riches de la planète. Takuya Hoshino, économiste chez Dai-ichi Life Research estime qu’ « il est vraiment temps de  travailler sur les questions de santé dans le budget ». La nation doit aborder fondamentalement le problème démographique, estime-t-il. Il est donc fort probable à l’avenir qu’il sera de plus en plus difficile de financer les dépenses de défense même si la défense antimissile restera une priorité. Le Japon continuera de compter très largement sur son allié américain avec lequel il coopère pour développer de nouveaux missiles antimissiles.

 
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