ANALYSES

Raids contre Daesh : « Des frappes réussies sont celles qui font le plus de mal sur ce qui est le plus difficile à renouveler »

Presse
25 septembre 2014

La coalition qui lutte contre Daesh frappe depuis maintenant plusieurs jours les positions de l’organisation en Irak, mais aussi en Syrie. Les Etats-Unis se sont d’ailleurs félicités mardi de frappes «très réussies» en Syrie. Le Général de brigade aérienne et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), Jean-Vincent Brisset, explique à 20 Minutes les conditions d’une frappe aérienne réussie.


Qu’est-ce que des frappes aériennes «réussies»?



Pour fonctionner, une troupe comme celle de Daesh a besoin d’armes, de munitions, de moyens de communication (pour parler et pour transporter) et de moyens de commandement. Les deux premiers -à l’exception des armes lourdes-, tout comme les combattants sont les plus faciles à renouveler. C’est pour cette raison que les hommes sont sur le terrain, alors que les moyens de communication et de commandement sont dissimulés et protégés. Des frappes réussies sont des frappes qui font le plus de mal sur ce qui est le plus difficile à renouveler.


La coalition vise donc les moyens de communication et de commandement…



Tout à fait. La France a ainsi effectué la semaine dernière ses premiers raids aériens contre un dépôt logistique de Daesh dans la région de Mossoul, en Irak, qui abritait des véhicules, des armes et du carburant. Et, cette semaine, des avions de la coalition ont visé des positions, des sites d’entraînement et de commandement, des véhicules, et des routes d’approvisionnement de Daesh en Syrie et en Irak. Les Américains essayent très certainement également de cibler les chefs, comme ils l’ont fait à l’aide de drones contre les dirigeants talibans au Pakistan par exemple.


Techniquement, comment se passe un raid?



Auparavant, il s’agissait d’un tapis de bombes pour tout casser -une usine par exemple, mais qui touchait aussi la ville autour. Il y a eu une évolution, on ne cassait plus qu’une partie de l’usine -les voies d’approvisionnement par exemple- pour la mettre à l’arrêt. C’était le début des «frappes chirurgicales». Désormais, c’est encore plus sophistiqué: pour vous expliquer avec une image, on peut réussir à frapper le disjoncteur pour couper l’électricité et arrêter l’usine. L’avantage c’est qu’une charge d’une vingtaine de kilos suffit (Small-Diameter Bomb – bombe guidée de petit diamètre).


Et au sol, que se passe-t-il?



C’est bien là le problème. Pour l’heure, les soldats Irakiens ne sont pas assez bien armés ni bien préparés pour affronter les djihadistes restant après les raids. Mais les frappes aériennes peuvent amener les djihadistes à refluer vers la Syrie, leur sanctuaire, comme quand les Américains ont décidé de frapper en Afghanistan, mais aussi au Pakistan et que les talibans ont commencé à perdre du terrain. Mais, tant qu’il disposera d’un sancutaire en Syrie, Daesh pourra lancer de nouvelles offensives, et il faudra alors une coordination bien plus soutenue avec Damas.


La stratégie militaire ne se réduit donc pas à des bombardements…



Non. Les bombes ne sont effectivement qu’un petit élément dans une affaire beaucoup plus large. Plus que les frappes, le plus important c’est le renseignement -via les vols de reconnaissance, mais aussi humain, au sol, pour savoir où frapper et éviter les dommages collatéraux. Ce conflit étant «idéologique», le risque d’exploitation d’éventuelles victimes civiles est donc encore plus élevé. Et, au-delà des simples frappes et de la stratégie militaire, il y a aussi une dimension sociétale à prendre en compte: il faut faire en sorte que le djihad ne soit plus attirant.

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