ANALYSES

Israël-Gaza : libération d’otages, trêve, « éradication du Hamas »… que va-t-il se passer dans les prochains jours ?

Presse
23 novembre 2023
Interview de Pascal Boniface - La Dépêche

Les quatre jours de « trêve » à venir marquent-ils un changement de cap de Benjamin Netanyahou contre le Hamas dans la bande de Gaza ?


Non, cela marque seulement une pause. Je pense qu’il va continuer sa politique d' »éradication du Hamas ». Elle est soutenue par son opinion publique et pourrait le mettre en difficulté politique, à l’intérieur, s’il l’abandonnait. Il n’y a pas, non plus, suffisamment de pression internationale pour qu’il mette fin à cet objectif, pour le moment. Il fait simplement une trêve parce que les protestations contre la brutalité des bombardements et le nombre de morts civils et, surtout, l’immense crise humanitaire déclenchée a non seulement ému l’ensemble des ONG, mais les opinions publiques de beaucoup de pays aussi, y compris aux États-Unis, où il commence à y avoir une contestation du soutien inconditionnel à Israël. Cette pause ne vise qu’à calmer un peu les protestations, en sachant qu’il continuera par la suite.


Vouloir «  éradiquer le Hamas » mais lui rendre celles et ceux qu’il réclame… Netanyahou prend-il des risques en libérant ces prisonniers ?


Le but de Netanyahou est surtout de récupérer des otages. Cela ne calmera pas la révolte des Israéliens le concernant, il a perdu beaucoup de sa crédibilité, mais le pays retiendra en priorité ses concitoyens libérés plutôt que les membres du Hamas rentrant chez eux, lesquels pourront d’ailleurs être rattrapés assez facilement par la suite. C’est ce très grand soulagement pour les familles comme pour toute la société israélienne le plus important.


Des Américains et des Français devraient être parmi les premiers libérés…


Dans les otages à libérer en priorité, il y avait effectivement des gens ayant une double nationalité. Pour le Hamas c’est une façon de montrer une forme d’ouverture en envoyant ce signal et, pour Israël, de s’assurer peut-être des visites ministérielles de premier plan pour l’accueil des otages. En tous les cas, cela sert les deux côtés et Netanyahu pourra s’en prévaloir auprès de ses alliés occidentaux.


Libérer des otages par petits groupes, c’est s’assurer des garanties, mais aussi donner du temps au temps, pour négocier ou… manœuvrer. Cette pause élimine-t-elle une possible action militaire concernant les otages restants ?


Ça, peut être plus tard… Mais on sait que la libération des otages par la force n’a pas toujours été une réussite dans l’histoire : ils peuvent être tués dans l’assaut ou par ceux qui les tiennent prisonniers. Pour l’instant, l’obsession de Netanyahu, c’est sa survie politique : ne pas être rattrapé par la justice. La place qu’il laissera dans l’histoire n’en sera pas moins controversée, autant par les partisans d’une négociation que ceux d’une politique de la force, parce qu’il n’a réussi ni l’une ni l’autre. Concernant le Hamas… je doute qu’il puisse réarmer vu l’état actuel de Gaza et sa surveillance.


À quoi faut-il s’attendre, militairement, dans quatre jours ?


Très certainement à une reprise des opérations. Mais en fait, nul ne le sait… On entre dans une période où les forces israéliennes font face à deux tendances contradictoires : celle de l’opinion qui veut continuer une politique de vengeance par rapport au Hamas et l’opinion publique internationale qui veut qu’on limite les images de souffrance des Palestiniens.

Comment analysez-vous la position de négociateur du Qatar ?


Avec beaucoup d’argent et très peu d’habitants, le Qatar doit exister sur la carte par tous les moyens. Il est à la fois l’influenceur du Hamas et l’interlocuteur d’Israël mais il a aussi la plus grande base américaine du Golfe sur son territoire. Cela fait des Qataris les intermédiaires qui parlent à tous ceux auxquels les Occidentaux ne veulent pas parler, mais ils le font très souvent avec l’accord des Occidentaux.

Que pèse la France, désormais, dans ce type de crise ?


On ne peut pas dire qu’il y a une disparition de la diplomatie française, mais il y a une moins grande présence. La France joue un rôle moins affirmé que dans le passé, en partie parce qu’elle a un peu perdu sa spécificité Gaullo-Mitterrandiste, pour une recherche plus grande de cohésion occidentale.

 

Propos recueillis par pour La Dépêche du Midi
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