ANALYSES

« Les Russes cherchent une garantie de sécurité »

Presse
28 janvier 2022
Comment qualifier ce nouvel épisode de tensions autour de l’Ukraine ?  

Le seul élément nouveau, c’est la proposition des Russes de négocier. Les États-Unis ont accepté et vont remettre des contre propositions avant la fin de la semaine. Des négociations diplomatiques entre les deux puissances ont donc débuté ces dernières semaines sur la question de la sécurité en Europe. Depuis, on assiste à une forme d’hystérisation collective avec des manœuvres militaires des Russes en Biélorussie et en Crimée, des redéploiements de l’Otan, des menaces de sanction. Chacun en tire parti. Les États-Unis endossent le rôle de fédérateur du camp occidental. Les Russes, eux, négocient tout en maintenant une pression militaire. Rappelons que le président russe, Vladimir Poutine, a toujours affirmé qu’il n’envahirait pas l’Ukraine. Certes, il y a des manœuvres militaires russes mais il y en a toujours eu. En avril 2021,100 000 hommes avaient été massés à la frontière. Au même moment, l’Otan réalisait les opérations militaires les plus importantes depuis vingt-cinq ans. Cela fait partie des gesticulations habituelles. Sauf que, cette fois, du matériel de guerre en grande quantité a été mobilisé, ce qui laisse signifier à l’adversaire qu’en un court laps de temps, une intervention est possible. C’est ce qui doit inquiéter les services de renseigne ment étrangers.

Une invasion de l’Ukraine par la Russie et une guerre éclair vous apparaissent-elles un scénario réaliste ?

Il me semble que, si les Russes attaquaient l’Ukraine, ça n’aurait rien d’une promenade de santé. Et les Russes le savent parfaitement. Si la Russie négocie, c’est que le temps joue contre elle en Ukraine. Un fort sentiment national émerge dans l’ensemble du pays. II se cristallise y compris au sein de la population russophone et dépasse la zone traditionnelle du nationalisme ukrainien, frontalière de la Pologne et de la Hongrie. Cet élan est encouragé par d’importantes aides financières et militaires internationales.

Est-ce que des moyens existent pour sortir de cette crise ?

II faut négocier. II y a deux traités mis sur la table par la Russie pour limiter l’influence militaire des États-Unis et de l’Otan dans son voisinage. Au départ, ils ont dit « c’est à prendre ou à laisser», avant d’accepter de discuter. II y a trois éléments dans ce projet, le désarmement conventionnel, le désarmement nucléaire, puis l’engagement politique pris par l’Otan de ne pas s’étendre ni de renforcer ses forces dans les anciennes républiques soviétiques. On va désormais connaître les contre -propositions américaines.

Peut-on parler de méconnaissance vis-à-vis de la Russie ?

II existe une impossibilité psychologique d’intégrer les positions de l’adversaire. Dans la réalité, il se passe quelque chose de très intéressant. Les Russes sont en train de proposer de renoncer à leur volonté d’influence sur l’Ukraine en échange de garanties de sécurité. Les États-Unis l’ont parfaitement compris et ne cherchent pas à faire exploser la situation. Ils n’ont pas besoin d’un second front car leur préoccupation principale reste la Chine. Ils voudraient calmer le jeu mais en même temps empocher l’actif stratégique que constitue la perte de l’Ukraine pour les Russes. Le marché est : une garantie de sécurité pour la Russie et de l’autre la renonciation de Moscou à jouer le rôle qu’elle tenait sur l’évolution de l’Ukraine.

Propos recueillis par L’Humanité.
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