ANALYSES

Le G7 l’a prouvé, le multilatéralisme fonctionne très mal. Que faire ?

Presse
24 juin 2021
Après les sommets du G7, de l’OTAN et les rencontres entre les dirigeants américains, russes et turcs, le multilatéralisme apparaît comme de plus en plus fragilisé et ne fonctionnant plus. Le multilatéralisme n’est plus ce qu’il était. Les récentes réunions ont notamment montré l’échec d’une entente sur la question des vaccins à attribuer aux pays les plus pauvres et sur la levée des brevets.  Comment en sommes-nous arrivés là ?

Le « retour » des Etats-Unis relayé avec fanfares et les sourires échangés avec Joe Biden masquent la réalité d’un multilatéralisme en crise, et que la pandémie mondiale n’a fait qu’amplifier, si on se réfère à la préférence nationale que les puissances occidentales ont privilégiée, notamment dans l’acquisition des vaccins. Passons ici sur le sommet de l’OTAN qui ne fut que la célébration enthousiaste d’un atlantisme pourtant moribond, mais qui a le mérite de s’appuyer sur la plus grande armée du monde. Le sommet du G7 a consacré l’incapacité de ses membres à apporter les bonnes réponses aux défis actuels, comme l’accès aux vaccins aux pays en développement, pour deux raisons. D’abord parce qu’il est difficile de se mettre d’accord entre des pays qui, il y a encore quelques semaines, bataillaient pour se procurer lesdits vaccins et continuent de contrôler leurs frontières comme jamais depuis trente ans; ensuite et surtout parce que le G7 n’est plus représentatif des équilibres géopolitiques, en dépit de la présence de quelques « invités », comme ces sommets en sont coutumiers. Le G7 ressemble à un club de démocraties occidentales, plus le Japon, à l’heure où l’influence de ses membres est de plus en plus disputée sur a scène internationale. Le G20 a le mérite de rassembler les 20 premiers PIB mondiaux, le G7 s’organise de son côté autour d’un déséquilibre entre des puissances incontournables et des pays qui le sont moins. Quelle importance, et surtout quel crédit, accorde-t-on ainsi aux déclarations du G7 en Afrique, en Amérique latine, en Inde ou en Chine? Le G7 est inefficace parce que son fonctionnement basé sur la convergence des vues de ses membres est d’un autre âge, et parce qu’il n’est plus représentatif de ce que le monde est devenu.

Comment peut-on faire pour avancer malgré tout dans ce contexte et face à cette impasse ? Quelles solutions s’offrent aux démocraties occidentales et à l’Europe face à ce constat d’échec ?

La seule solution est une adaptation à un environnement international modifié. D’abord en cherchant des mécanismes qui laissent de ce côté la culture du consensus pour privilégier des structures permettant une plus grande efficacité dans la prise d’initiative, sur une base plus normative et non dépendante des intentions – parce que les intentions changent et ne sont donc pas fiables. Si le G7 se contente d’être un forum, il s’avère inopérant. S’il parvient à se doter de règles contraignantes, cela peut changer. Mais ce scénario semble hautement improbable. Ensuite en s’ouvrant, et donc en acceptant de reconnaitre le monde tel qu’il est devenu. Le G7 est un produit des années 1970, et a culminé dans les années 1980 avant de chercher, vainement, à se réinventer dans les années 1990. Les membres du G7 peuvent décider de conserver ce club qui rassemble des pays partageant une histoire commune et, certains égards, des valeurs communes. Mais on parle ici d’efficacité pour répondre aux enjeux mondiaux, pas d’un lieu de rencontres entre vieux amis. L’OTAN est, peut-être, en état de mort cérébrale, mais le G7 est, très certainement, passé de mode.

Les instances européennes comme la Commission européenne, le Conseil de l’UE, la CJUE ou bien encore le Parlement européen ont-ils un rôle à jouer pour renforcer et redonner ses lettres de noblesse au multilatéralisme ? Les débats au sein de l’Union européenne peuvent-ils être productifs et pas uniquement au moment des crises ? 

Elles sont limitées en ce qu’elles incarnent les intérêts de l’UE, et non de la multipolarité. Mais elles n’en demeurent pas moins utiles en tant qu’exemples de structures puissantes et moins sensibles aux intérêts nationaux, et le bon-vouloir, des Etats membres que le G7. Le multilatéralisme ne peut plus à l’heure des guerres commerciales et des compétitions de puissance se réduire à des rencontres amicales où les égos des dirigeants rivalisent, comme une tentative pour eux de prendre l’initiative et ainsi « d’incarner » le multilatéralisme. Si un tel objectif est utopique à échelle internationale, compte-tenu des écarts politiques et même idéologiques, il n’est pas déplacé à l’échelle du G7. Cela lui permettrait à défaut d’incarner le monde, de gagner en efficacité.

Alors que les décisions européennes sont souvent freinées par le droit de veto, une gouvernance similaire aux actions de la BCE grâce à une base juridique et institutionnelle alternative serait-elle préférable et plus efficace ? Un renforcement du droit international et de nouveaux processus démocratiques sont-ils la solution ? 

Sans doute. Mais il ne faut pas ici confondre efficacité et légitimité. Comme je l’ai indiqué précédemment, une base plus normative et des institutions plus puissantes permettraient de renforcer l’efficacité du G7 dans la prise de décision et, plus encore, dans la capacité à en faire quelque chose de concret. Mais la légitimité du G7 se serait pas résolue pour autant, et nous pourrions même considérer qu’elle est insoluble.

 

Propos recueillis par Atlantico.
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