ANALYSES

Coronavirus : « Ce type de catastrophe est voué à se reproduire »

Presse
14 mars 2020
Que vous inspire la mobilisation mondiale un peu désordonnée autour du coronavirus ?

Elle paraît désordonnée car nous avons des temporalités d’apparition de la vague épidémique différentes. De fait, on n’en est donc pas au même stade partout : la Chine et la Corée du Sud sont sur une fin de pic, l’Europe se trouve plutôt vers le début, et ailleurs, les tout premiers cas arrivent seulement… On est dans une sorte de cacophonie. Mais qu’on soit au Chili, aux Etats-Unis ou ailleurs, on garde cette même nécessité de freiner l’arrivée du virus dans son territoire, puis sa propagation, et enfin d’aplatir la courbe épidémiologique. Avec au milieu de tout ça, un chef d’orchestre, l’Organisation mondiale de la santé, qui coordonne l’ensemble.

Cette pandémie est-elle un événement d’une ampleur inédite ?

Oui. En tout cas, c’est la première de cette ampleur que le monde moderne doit gérer. Les mondes antiques et moyenâgeux ont déjà eu à gérer des épidémies, mais avec un flux de communication beaucoup moins important. Aujourd’hui, il y a dans le monde 11 millions de passagers par jour dans les airs, tout communique donc beaucoup plus rapidement. Ce qui nous avait sauvés il y a quelques années, lors d’Ebola, c’est que cela se passait dans des régions assez forestières, qui ont limité l’étendue géographique de l’épidémie, sauf en 2014 où on était sur une zone frontalière avec beaucoup plus de passage. Là, c’est différent : on a une pandémie avec des moyens de communication très importants, des mouvements de population conséquents. On voit d’ailleurs, sur la chaîne de transmission, que même si l’épidémie est née en Chine, les cas qui se déclarent aujourd’hui en Afrique proviennent d’Europe, même s’il y en a sans doute eu d’autres auparavant, issus directement de Chine, mais qui n’ont pas été identifiés. On est donc sur une deuxième vague de contamination sur ce continent-là.

Le plus dur reste-t-il à venir ?

On est sur le début de la contamination du continent africain, qui est un enjeu majeur : si on a une flambée semblable à celle qu’on a eue en Chine ou en Europe, ça risque de devenir problématique, car les systèmes de santé de ces pays sont moins opérationnels. Cela voudrait dire qu’ils auraient du mal à limiter le pic épidémique. Comme ce sera d’ailleurs le cas dans tous les pays dits « low and middle income » (à revenu faible et intermédiaire, NDLR). Notre chance, c’est que le virus reste malgré tout peu virulent et peu létal.

La courbe du Covid-19 continue de s’inverser en Chine, c’est plutôt bon signe ?

Oui. On peut en effet émettre l’hypothèse que le pic épidémiologique est sur une temporalité de deux mois. La Corée, qui amorce cette même descente, peut permettre de le confirmer. On verra dans un petit mois si la France suit le même chemin. Le schéma ne sera certainement pas identique, chaque pays ayant sa propre vague, mais il y aura des similitudes.

Les conséquences économiques mondiales s’annoncent d’ores et déjà catastrophiques…

C’est certain. Notre économie mondiale est basée sur la bourse, qui est une prise de risque. Une épidémie de ce type est génératrice de peur et d’angoisse. Quand vous mettez de l’angoisse dans un système qui joue sur la prise de risque, cela ne peut plus fonctionner…

Devra-t-on à l’avenir s’habituer à ce type de catastrophe sanitaire ?

Malheureusement, oui, c’est voué à se reproduire. 75 % des maladies émergentes ont été transmises à l’homme par l’animal. Avec la densité urbaine, on repousse l’activité agricole toujours plus loin dans la forêt, favorisant l’interface hommes-animaux sauvages.

D’autre part, la résistance aux antibiotiques de certaines bactéries augmente, et les temps de développement des vaccins peuvent aller d’une année à beaucoup plus. La temporalité de notre mise en place thérapeutique ne suit pas celle des épidémies. Il faut prendre tout cela en considération pour éviter la récurrence certaines de ces maladies dans les décennies à venir…
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