ANALYSES

Cuba : « Il faudra attendre la disparition des frères Castro pour assister à une véritable révolution »

Presse
14 août 2015
Interview de Christophe Ventura - ARTE Info
Qu’est-ce qui va changer concrètement, après ce premier rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba ?
Dans un premier temps, un certain nombre de choses liées à l’assouplissement des conséquences de l’embargo sur Cuba. Par exemple, sur la remise en place du courrier postal entre les deux pays ou le relèvement du montant des transferts financiers possibles entre les Cubains de Cuba et ceux des Etats-Unis. Ou la possibilité que des compagnies commerciales de fret et de voyage puissent commencer à faire des navettes touristiques vers Cuba.
La première conséquence va donc être l’augmentation du tourisme à Cuba. On mesure déjà son évolution très importante, avec des visiteurs en provenance des Etats-Unis, de France et d’autres pays européens. Seconde conséquence : une plus grande facilité pour l’installation d’entreprises. Pas mal de secteurs de l’économie ont été libéralisés depuis 2014.

Peut-on s’attendre à des changements économiques, voire politiques, à moyen terme ?
Au-delà de ces premiers pas, le véritable enjeu est d’arriver à une normalisation générale des relations. Il ne faut pas oublier que l’embargo n’est pas levé, puisque c’est une position du Congrès américain et que ce dernier est hostile à Obama. La question de l’ambassade aujourd’hui n’est qu’une partie de la réponse. Le rétablissement des relations diplomatiques permet d’aller vers une normalisation générale, mais ce n’est pas une normalisation générale. Pour Obama et Castro, ce sera un processus long et complexe.
Pour Cuba, le plus important c’est la levée de l’embargo et la souveraineté de l’île de Guantánamo. Du côté américain, il y a la volonté de régler la question de l’indemnisation pour les familles expropriées pendant la révolution cubaine, dans les années 60, et un tas de dossiers sur la question des droits de l’homme.

Pour résumer : des perspectives pour l’aspect économique mais pas d’évolution en vue pour les droits de l’homme ?
On a déjà pu constater une accélération notoire sur le sujet puisque les Cubains ont libéré des dizaines de détenus politiques en signe de bonne volonté. Par ailleurs, les Cubains conditionnent la question politique au desserrement de l’étau économique. On va donc avoir en permanence des petits gestes qui vont être faits de part et d’autre, mais tout sera conditionné à la question de l’embargo. Et ça, ça dépend de la politique intérieure américaine, avec un Congrès majoritairement républicain, hostile à son président. Obama devra donc être très audacieux s’il veut avancer et multiplier les décrets pour démembrer petit à petit l’embargo, afin de passer outre le Congrès. Ou alors, il parvient à obtenir du Congrès la levée intégrale de l’embargo. Mais ça je n’y crois pas trop. On est donc dans un processus qui ne fait que commencer.

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