ANALYSES

Hillary Clinton ouvre le premier chapitre de sa campagne présidentielle

Presse
12 juin 2014
Interview de - JOL Press
Peut-on encore douter de la candidature d’Hillary Clinton à l’élection présidentielle américaine de 2016 ?

Le doute est permis, même si la publication de son livre Hard Choices (Le Temps des décisions chez Fayard) semble sonner le lancement de sa campagne officieuse. Tout est en place. Priorities USA Action, le principal Super PAC libéral, est derrière Hillary Clinton (les Political Action Committees sont des organisations pouvant récolter des fonds illimités pour financer la campagne d’un candidat, ndlr). Elle dispose de nombreux appuis politiques et bénéficie d’un important soutien de l’opinion publique.

Malgré cela, je crois qu’Hillary Clinton ne se présentera que si elle est certaine de remporter l’élection présidentielle. C’est une personne qui ne supporte pas l’échec. Elle a beaucoup souffert de sa défaite aux primaires démocrates en 2008 face à Barack Obama. Cette fois-ci, l’investiture de son parti ne devrait pas poser de problème. En revanche, le résultat final est loin d’être évident pour le moment, car elle est très clivante chez les républicains.

De plus, Hillary Clinton sait qu’elle a encore le temps (Bill Clinton a annoncé sa candidature en septembre 1991 pour des primaires en janvier 1992). Elle ne veut pas s’épuiser et se méfie des médias. Laisser planer le mystère lui permet de s’épargner les critiques et de garder la maîtrise de sa communication. Elle repousse au maximum le moment où elle devra sauter dans le vide.
Quelle stratégie va-t-elle adopter dans les mois à venir ?

Hillary Clinton va soutenir des candidats pendant la campagne des midterms (élections de mi-mandat), qui auront lieu le 4 novembre. Cela lui permettra de jauger son poids au sein du parti démocrate et sa popularité auprès des Américains. Il s’agira en quelque sorte d’un premier tour de chauffe au cours duquel elle pourra accroître ses appuis, politiques et financiers. Je pense qu’elle se laissera jusqu’au début de l’année 2015 pour prendre sa décision. Elle aura alors toutes les cartes en main pour évaluer la concurrence républicaine.

C’est une stratégie un peu risquée car il peut y avoir un essoufflement de l’intérêt médiatique et un agacement du public. D’où l’importance de la publication de son livre qui permet de dynamiser cette campagne officieuse. Hillary Clinton est en partie victime de la machine médiatique qui s’interroge depuis 2008 autour de sa candidature à la présidentielle de 2016.
Que cherche Hillary Clinton avec la publication de ses mémoires ?

Lors des dernières primaires démocrates, Hillary Clinton a présenté Barack Obama comme quelqu’un qui manquait d’expérience internationale. Les fact-checkers avaient alors montré qu’elle n’avait elle-même aucune expérience internationale. A l’époque, Hillary Clinton considérait qu’être une femme était un handicap. Elle refusait de jouer la corde féminine et misait sur une stature de Commander in Chief… qu’elle n’avait pas.

Avec son livre, Hillary Clinton fait coup double. D’une part, elle enterre la question de son manque d’expérience. Lorsqu’elle était secrétaire d’Etat, elle a visité 112 pays en quatre ans, elle a négocié avec les plus grands dirigeants de la planète etc. D’autre part, Hard Choices lui permet de défendre son bilan à la tête de la diplomatie américaine et de revenir sur l’attaque de Benghazi. Cet épisode sera un des rares leviers dont disposeront les républicains pour l’attaquer.

En closant très tôt le débat sur sa capacité à être Commander in Chief, Hillary Clinton s’offre la possibilité de jouer sur son identité de femme en 2016 sans en craindre des effets dévastateurs sur l’image de force que doit théoriquement incarner le président des Etats-Unis.
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