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Présidentielle américaine : Nikki Haley et Ron DeSantis, les principaux rivaux républicains de Donald Trump, ont-ils une chance ?

Presse
10 janvier 2024
C’est l’heure des derniers meetings, des derniers arguments pour convaincre et séduire. Le 15 janvier, l’Iowa, petit Etat rural du Midwest, sera comme tous les quatre ans l’objet de toutes les attentions, le temps de son caucus. Côté démocrate, aucun suspense. En face, c’est tout le contraire : le Parti républicain commencera à départager les prétendants et prétendante à l’investiture pour la présidentielle du 5 novembre.

Trois grandes questions se posent : le grand favori Donald Trump, comme le laissent entendre les sondages, écrasera-t-il ses adversaires, malgré l’étau de la justice qui se resserre ? Ses principaux challengers, Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, et Nikki Haley, l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, tireront-ils leur épingle du jeu ? Et, si oui, dans quel ordre ?









Viendra ensuite la primaire du New Hampshire le 23 janvier où un autre rival, Chris Christie, sera alors à suivre, avant celle de Caroline du Sud, le 24 février, où Haley sera chez elle, et, surtout, le « Super-Tuesday » du 5 mars lors duquel on votera dans une quinzaine d’Etats fédérés, dont la Calfornie et le Texas.

A la différence d’une primaire, supervisée généralement par l’Etat fédéré, un caucus est organisé par le parti au niveau local. Il consiste en un ensemble de réunions politiques de quartiers, dans lesquelles les supporters défendent publiquement leur candidate ou leur candidat ; s’ensuit alors un vote, en présentiel, auquel prennent part celles et ceux qui sont affiliés au parti afin de désigner, à la proportionnelle dans le cas de l’Iowa, leurs 40 délégués, autrement dit leurs grandes électrices et électeurs pour la présidentielle (dans d’autres Etats, cela peut être la règle du winner takes all).

Trump, qui craint une faible participation, justement en raison des sondages très favorables, a mené une importante campagne en Iowa pour inciter ses soutiens à voter. Mais l’implication sur le terrain est encore plus forte de la part de Haley, et surtout de DeSantis qui, soutenu par la gouverneure de l’Etat, Kim Reynolds, et des leaders évangéliques, a participé à cinq fois plus de meetings et de rencontres que Trump ou Halley.

Faire le buzz contre Trump


En cas de défaite pour la nomination, Nikki Haley et Ron DeSantis peuvent aussi espérer une place de choix dans le dispositif de Donald Trump, s’il revient au pouvoir : par exemple, un poste au gouvernement, la direction d’une grande agence fédérale et, pourquoi pas, la vice-présidence pour Haley. Mais on n’en est pas là. Pour l’heure, Trump est l’homme à battre.

Or, jusqu’ici, ni DeSantis ni Halley ne s’en étaient véritablement pris à lui, ou alors timidement (la réciproque n’étant pas du tout vraie). La crainte de nouvelles insultes et le risque de s’aliéner une base électorale trumpiste dont DeSantis comme Haley auront besoin en cas (improbable sur le papier à ce stade, mais tout est possible dans cette année folle) de nomination.

Jusqu’ici, donc, ils s’étaient surtout attaqués l’un l’autre, Haley rappelant par ailleurs, sondages à l’appui, qu’elle est mieux placée que DeSantis dans un hypothétique duel face à Joe Biden (notamment chez les conservatrices modérées et dans l’électorat indépendant, le New Hampshire constituant le premier véritable test).

Dans un échange avec des électrices et électeurs organisé par la chaîne CNN dans l’Iowa, le 4 janvier, les deux challengers de Trump se sont pour la première fois montrés critiques vis-à-vis de la politique d’immigration de l’ancien président, de ses positions sur l’avortement (DeSantis ne le juge pas suffisamment anti-choice) et de sa fascination pour les dictateurs (Haley).

C’est aussi une manière de faire le buzz : ils sortent enfin du bois pour dire ouvertement que le Parti républicain autant que l’Amérique doivent tourner la page. DeSantis a ainsi affirmé qu’il craignait que l’élection du 5 novembre ne se transforme en référendum sur Trump… tout en minimisant l’insurrection du 6 janvier 2021, selon lui « politisée par la gauche ».

Ancienne ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’ONU sous le mandat de Trump, Nikki Haley endure davantage d’invectives que Ron DeSantis de la part de l’ancien président : « cervelle d’oiseau »« trop d’ambition »« déloyale », etc. Trump l’accuse également de mener une « campagne financée par des donateurs de Biden » et la qualifie de « mondialiste », autrement dit elle serait anti-patriote (caractéristique qu’il attribue aussi à DeSantis). Il est allé jusqu’à recycler le complot qu’il avait lui-même nourri dès 2008 contre Barack Obama, afin de propager le mensonge selon lequel elle ne serait pas née aux États-Unis – ce qui l’empêcherait de se présenter à la présidentielle.

Nikki Haley fait face à la contradiction entre mettre en avant qu’elle est née femme (« Si vous voulez que quelque chose soit accompli, demandez à une femme », dit-elle) et d’origine indienne, et rejeter toute forme de « wokisme » (un mot dont on attend toujours la définition). Victime d’un sexisme grandissant à mesure qu’elle gagne des points dans les sondages, elle est prise au piège de son antiféminisme. Au moins une conviction qu’elle partage avec Ron DeSantis. Rendez-vous le 15 janvier.

 

Publié par L’Obs.
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