ANALYSES

Qui est Victoria Villarruel, la nouvelle vice-présidente de l’Argentine ?

Tribune
22 décembre 2023
Par Camille Sansberro, diplômée d’IRIS Sup’ en Géopolitique et prospective

Le 19 novembre 2023, Javier Milei remportait l’élection présidentielle en Argentine avec 56% des suffrages. Le 10 décembre s’est déroulée sa cérémonie d’investiture. À ses côtés, une femme : Victoria Villarruel. Si de par sa personnalité et son programme Javier Milei occupe le devant de la scène médiatique, ce 10 décembre marque également l’arrivée de Victoria Villarruel au poste de vice-présidente. Qui est cette avocate de 48 ans, aux propos révisionnistes et aux positions conservatrices ?

Alors que Javier Milei est un ultra-libéral, Victoria Villarruel incarne, elle, une branche conservatrice de la société argentine. Venant d’une famille de militaire, elle s’est faite connaître pour ses déclarations révisionnistes sur les évènements survenus lors de la dictature en Argentine (1976-1983). Son père, Eduardo Villarruel, est un lieutenant-colonel qui a participé en 1975 à l’opération « Independencia » dans la province de Tucumán. Une opération militaire qui s’est soldée par une répression violente des mouvements de guérilla qui existaient dans cette région. D’autre part, tout comme son grand-père, l’amiral Laurio Hedelvio Destéfani, auteur de plusieurs livres sur la marine argentine, Victoria Villarruel a rédigé deux ouvrages consacrés à l’histoire des années 1970 en Argentine. C’est d’ailleurs pour la rédaction de ces derniers qu’elle justifie en 2013 sa visite au général Videla. Ce dernier a été à la tête de la dictature militaire en Argentine de 1976 jusqu’à 1981.

En 2021, elle est élue députée pour la province de Buenos Aires. C’est à partir de cette date qu’elle se rapproche de Javier Milei. Lors de son investiture au Congrès, elle déclare vouloir œuvrer « pour les victimes du terrorisme ». C’est l’une des figures du mouvement révisionniste en Argentine qui défend une « mémoire complète » sur l’histoire du pays. Victoria Villarruel fonde en 2006 le Centre d’études juridiques sur le terrorisme et ses victimes (CELTYV). Le CELTYV se donne pour objectif de défendre les victimes des guérillas qui ont mené des actions contre les militaires dans les années 1970. Sur le site du CELTYV, nous pouvons lire : « Les victimes innocentes de la violence armée déployée par le terrorisme des organisations de guérilla qui ont mené la guerre révolutionnaire en Argentine, n’ont pas eu – et n’ont pas – en Argentine, justice, vérité, réparation et paix. Seulement un oubli délibéré, le silence complice et un abandon injustifiable. » (« Las víctimas inocentes de la violencia armada desplegada por el terrorismo de las organizaciones guerrilleras que hicieron la guerra revolucionaria en Argentina, no han tenido ni tienen en Argentina, Justicia, Verdad, Reparación y Paz. Solo un deliberado olvido, un cómplice silencio y un injustificable abandono »).

Victoria Villarruel n’utilise jamais le terme de « dictature » pour définir le régime en place en Argentine durant 7 ans. Selon elle, cette période correspond à un conflit opposant l’armée à des « terroristes ». De même, elle minimise le nombre de victimes de la dictature. Elle rejette le chiffre avancé sous les gouvernements Kirchner qui, avec l’appui des associations de droits humains, ont évalué à 30 000 le nombre de disparus. À l’instar des autres groupes d’extrême-droite dans le monde, elle use du vocabulaire propre aux associations de droits humains pour justifier sa position. Par exemple, en septembre 2023, elle a plaidé pour qu’un hommage aux « victimes du terrorisme » ait lieu au sein du Congrès. Sur son compte X, elle publiait ce message : « Les droits de l’homme sont pour tout le monde. Invoquer la démocratie et les droits de l’homme sans nous permettre de nous exprimer ou de les exercer est la meilleure preuve qu’ils sont violents, autoritaires et qu’ils nous considèrent comme des citoyens de seconde zone. J’embrasse toutes les victimes du terrorisme qui subissent ces mauvais traitements. » (« Los DDHH son para todos. Invocar la democracia y a los DDHH sin dejar que podamos expresarnos o ejercerlos es la muestra más acabada de que son violentos, autoritarios y nos creen ciudadanos de segunda. Mi abrazo a todas las víctimas del terrorismo que son sometidas a este destrato »).

Au-delà de cette position vis-à-vis des crimes commis sous la dictature en Argentine, Victoria Villarruel défend des valeurs conservatrices. Elle s’oppose au mariage pour tous tout comme au droit à l’avortement. Victoria Villarruel s’inscrit dans une tendance d’extrême-droite proche de celle défendue par Donald Trump, Jair Bolsonaro ou encore par le parti VOX en Espagne. Elle a d’ailleurs contribué au rapprochement entre Javier Milei et les partisans de la formation ibérique. En 2019, elle a signé la Charte de Madrid, qui réunit différentes mouvances d’extrême-droite au sein du Forum de Madrid. Quelques minutes après le résultat des élections en Argentine, on pouvait lire sur le profil X du Forum de Madrid ceci : « Félicitations au président élu de la République Argentine Javier Milei et à la vice-présidente élue Victoria Villarruel, premiers signataires de notre Charte de Madrid pour son triomphe historique. La Liberté fait son chemin dans le monde ibéro-américain et nous continuerons à la défendre des griffes du socialisme. Vive l’Argentine et vive la Liberté bordel ! » (« Felicidades al presidente electo de la Republica Argentina Javier Milei y a la vicepresidente electa Victoria Vilarruel, primeros firmantes de nuestra Carta de Madrid por su historico triunfo ! La Libertad se abre camino en Iberoamérica y nosotros seguiremos defendiéndola de las garras del socialismo. Viva Argentina y viva la Libertad carajo ! »).

Ainsi, Victoria Villarruel semble faire le lien entre Javier Milei et l’extrême-droite plus traditionnelle en Argentine. Tout au long de sa campagne, le nouveau président argentin a assuré qu’il donnerait à sa vice-présidente les portefeuilles de la Défense, de la sécurité et du renseignement. Il a même annoncé une augmentation du budget dans ces domaines, alors qu’il prévoit de réduire au minimum l’ensemble des dépenses publiques. Toutefois, l’entente du duo résistera-t-elle aux exigences du jeu politique dans lequel va devoir évoluer Javier Milei ? Pour consolider son alliance avec Juntos por el Cambio, coalition de la droite traditionnelle à qui il doit une partie de son élection, ce dernier a cédé à son ancienne rivale du premier tour de l’élection, Patricia Bullrich, le ministère de la Sécurité. Une décision qui risque de réduire les prérogatives de la vice-présidente et donc les ambitions de Victoria Villarruel.
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