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Les 5 critères à surveiller pour apprécier les chances de réélection de Donald Trump

Presse
18 juin 2019
Interview de - Atlantico
Mardi, Donald Trump devrait annoncer s’il brigue un second mandat. Est-ce qu’il est difficile aujourd’hui de se faire une idée sur sa potentielle réélection ? Que disent ces indicateurs sur sa capacité à se succéder à lui-même ?

Il n’est pas difficile de se faire une idée sur sa réélection. Aujourd’hui, la plupart des spécialistes et observateurs pensent qu’il va être réélu. Dans sa position, c’est-à-dire celle d’un président sortant qui réussit de façon phénoménale dans le domaine économique, qui a un socle fort et n’a pas plus de problèmes particuliers sur sa présidence, il devrait être réélu. Maintenant, je pense qu’il est absolument redoutable et que l’ennemi de Donald Trump, c’est lui-même. Je pense qu’il fera capoter sa propre réélection.

Les cinq éléments à surveiller pour mesurer ses chances

Les états où il a gagné en 2016 ?

C’est l’un des facteurs les plus difficiles que je vois dans le cas de la réélection de Donald Trump. Il a créé la surprise dans les états notamment ceux du nord, ce qu’on appelle la « Rust Belt » donc ces états ouvriers, c’est-à-dire le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie… On s’attendait plutôt à ce qu’ils votent démocrates. On observe que c’est plus compliqué lorsque cela concerne ces états-là puisqu’en 2018, les Républicains les ont perdus. Les syndicats ont fait campagne contre les Républicains et contre Donald Trump. Mais le président n’était pas sur le bulletin de vote alors on va avoir du mal à être très catégorique par rapport à ce qu’ils vont faire la fois suivante.

On sait aussi que Donald Trump est une bête de scène, qu’il adore faire campagne et qu’en réalité s’il lance la sienne aujourd’hui, c’est pour se plonger à corps perdu dans cette campagne qui lui fait le plus de bien qu’autre chose.

Maintenant, tout le monde n’est pas convaincu par Donald Trump et c’est là que cela devient compliqué pour lui. S’il n’avait qu’à faire campagne sur cette partie-là, il n’aurait qu’à leur offrir des cadeaux, leur rendre visite et leur dire ce qu’ils ont envie d’entendre. Seulement, il va falloir qu’il multiplie les dialogues car en réalité, on a un autre état qui pose un vrai problème : la Floride. Depuis l’an 2000, il y avait carrément eu un tirage au sort. La Cour suprême avait tranché l’affaire après des comptages qui n’en finissaient plus. Depuis, on recompte quasiment à chaque élection parce que les scores sont très serrés. La dernière en 2018 était à 0,5%. La différence entre les Républicains et les Démocrates est que cela peut basculer rapidement.

Or, le système électoral américain qui l’emporte est celui qui gagne tous les délégués de l’état. Il ne s’agit pas seulement de gagner un délégué mais d’en gagner 29 puisque c’est le nombre de grands électeurs qui comptent beaucoup.

De plus, et c’est là où cela devient compliqué, Donald Trump a également des problèmes en Caroline du Sud, en Caroline du Nord, en Virginie, en Géorgie mais également au Nouveau Mexique, en Arizona, dans le Nevada, au Colorado et même maintenant dans des Etats que l’on n’imaginait pas qu’il puisse perdre comme le Texas, le Kansas ou le Minnesota. C’est un peu un bateau qui prend l’eau de partout. Dans un système, tel que le système français à deux tours, je dirais qu’il serait réélu sans problème mais c’est un système à un seul tour dans lesquels il faut être devant directement et, à mon avis, Donald Trump sera face à une grosse difficulté.

Le risque de la fin de cycle de la croissance américaine

Je ne sais pas s’il va y avoir une décroissance ou un ralentissement. On nous l’annonce depuis le départ et les grands économistes, les prix Nobel d’économie nous l’ont annoncé avant même qu’il prenne le pouvoir en nous expliquant que l’économie allait s’écrouler. Je débats sur des plateaux depuis deux ans et demi au sujet de Donald Trump, j’ai entendu cela quasiment tous les quinze jours et pour l’instant rien ne s’écroule. Je ne suis même pas persuadé que si ça s’écroulait, ce serait au détriment de Donald Trump puisqu’il pourrait dire que c’est l’opposition féroce que lui livre les Démocrates et qui l’empêche de faire ce qu’il a toujours voulu faire, c’est-à-dire une guerre commerciale contre l’ensemble du monde.

En réalité, ce que constatent les Américains c’est qu’il y a une montée de leurs revenus, une baisse phénoménale du chômage, aujourd’hui à 3,6% c’est-à-dire le plus bas taux depuis 1969. L’inflation est à 1,7% et on nous annonce quand même moins dans les mois qui suivent. Je ne pense pas que ce serait au détriment de Donald Trump.

Le candidat démocrate

Il y a une montée de ce que l’on appelle les progressistes aux Etats-Unis, ou plutôt la gauche. Si on enlève Bernie Sanders qui est le plus à gauche, les 24 autres candidats ne sont quand même pas si à gauche que cela. Certains sont même très centristes voire presque à droite. Celui en tête est Joe Biden. Il est le plus centriste de tous. Pour l’instant, les électeurs ont l’air de le préférer. Il y a une vraie tendance à aller sur la gauche du parti démocrate. Dans le dernier sondage CBS, il est dit que si on ajoutait Elizabeth Warren et Bernie Sanders, ils pourraient dépasser Joe Biden mais on ne compte pas les 21 autres qui ajouteraient d’autres points à Joe Biden, donc pour l’instant je ne crois pas à une déportation à gauche.

Je crois au contraire que l’élection va se jouer au centre et que Joe Biden a bien choisi son positionnement même si c’est vrai qu’il donne des gages à la gauche. Il est un peu obligé puisqu’il est dans le cadre d’une primaire. Il faut bien séduire ceux qui votent et ce n’est pas le peuple américain, ce sont les militants démocrates, cela fait une vraie différence.

Le contexte géopolitique

La géopolitique ne joue absolument pas dans le cadre d’une élection américaine. Les américains ne regardent pas sur l’extérieur. C’est un pays tellement grand qu’ils sont déjà abreuvés d’informations dans le cadre de leur propre pays. C’est difficile de se projeter en plus sur l’extérieur pour voir ce qu’il s’y passe. Mais il est vrai que lorsqu’il y a une crise très forte qui emporte tout à ce moment-là, cela peut jouer. On se souvient de la crise Iranienne en 1976 quand il y avait eu des otages américains qui avaient été maintenus en captivité pendant un an, cela avait couté l’élection à Jimmy Carter. Mais c’est le seul exemple que je donnerai, mis à part la guerre en Irak sous Georges Bush. Le patriotisme l’a emporté, les américains avaient voté pour le chef des armées.

En dehors de ces deux exemples assez extrêmes, je ne vois pas d’autres exemples qui font que la géopolitique pourrait influer sur le vote des américains. Je ne vois pas comment Donald Trump pourrait se trouver dans cette situation. J’entends certains parler de la guerre en Iran ou du Venezuela mais Donald Trump a maintes fois dit qu’il ne voulait pas entrer en guerre. Je ne crois pas que ce soit la carte qu’il compte jouer à cette élection. Cela n’aura pas la moindre influence.

L’administration américaine

Si les politiques de Trump ne se mettent pas en place, c’est parce qu’il y a un propre pouvoir administratif qui empêche de mettre les choses en place. En réalité, c’est tout simplement la constitution américaine qui est faite de différents pouvoirs. Et ce qui gêne le plus n’est pas l’administration mais ce sont les juges car la plupart de ces décisions, pour ne pas dire toutes, ont été discutées devant des cours de justice ou sont en train d’être discutées, ce qui fait qu’elles ne se mettent pas en application. C’est donc cela qui l’a freiné plus qu’autre chose. Sur un mandat, il est vrai qu’il n’y avait pas de réelles conséquences d’une présidence Trump.

Je ne pense pas que son gouvernement soit plus faible qu’un autre. Le système américain partage le pouvoir en différentes branches. En réalité, Donald Trump n’est ni plus fort, ni plus faible qu’un autre président. Le pouvoir est surtout détenu par le Congrès aux Etats-Unis, le Président ne faisant qu’appliquer. Comme Donald Trump n’est pas très fort en matière de politique étrangère, on se rend bien compte qu’il ne peut pas bouger comme il le veut.

Même son état d’urgence n’a pas donné le résultat escompté puisque son mur n’est pas érigé, même s’il y a eu un « shut down » très fort en décembre et janvier et un état d’urgence derrière qui a fait détourner des millions de dollars du Pentagone vers la construction du mur. Pourtant les choses ne se mettent pas en place, tout simplement parce que cette lenteur administrative et institutionnelle fait qu’un président n’est pas un roi. Ce qu’il veut ce n’est pas une monarchie absolue, les choses vont nécessairement lentement et Donald Trump l’a appris à ses dépens.
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