ANALYSES

Retour du Maroc au sein de l’Union africaine : quels enjeux ?

Interview
2 février 2017
Le point de vue de Kader Abderrahim
Le Maroc a réintégré, le 30 janvier, l’Union africaine. Quel est l’intérêt stratégique de cette réintégration pour le Maroc et pour les membres de l’UA ?

Après trente ans d’absence, les Marocains ont pris conscience de l’importance de réintégrer l’institution panafricaine. Bien qu’elle pèse peu sur la vie des peuples africains, elle a une véritable influence sur le plan diplomatique et politique. En restant en dehors de l’Union africaine, le Maroc ne participait ni au débat ni au vote.

Pour le Maroc, cette réintégration constitue donc un succès diplomatique. Cela fait cinq ans que ses dirigeants œuvrent pour un retour. Ils ont mis en place une stratégie diplomatique en se réappropriant son espace stratégique. Le Maroc a notamment renforcé ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et avec des pays dont les relations sont anciennes comme le Gabon. La mise en place de cette stratégie a nécessité le déploiement des secteurs clés comme les banques, les assurances ou les entreprises de téléphonie mobile. De nombreux contrats ont été signés avec des entreprises africaines. Le roi a lui-même multiplié ses déplacements. Aujourd’hui, le Maroc voit ses efforts récompensés.

La réintégration du Maroc n’est pas également dépourvue d’intérêts du côté de l’Union africaine. Le Royaume est un pays qui compte dans les relations internationales notamment grâce à sa proximité avec le monde occidental et l’Europe.

La question essentielle du débat pour l’entrée du Maroc dans l’Union africaine tourne autour de sa position sur le Sahara occidental. Il risque d’y avoir, dans les prochains mois, une redéfinition de la doctrine marocaine sur cette question. Il serait intéressant d’observer quelle stratégie adoptera le Maroc qui vise, in fine, à l’exclusion du Sahara occidental de l’UA.

Le refus marocain de reconnaitre l’indépendance du Sahara occidental a longtemps motivé les réserves de l’Algérie, de l’Afrique du Sud et de l’Angola à son retour dans l’UA. Pourquoi ont-ils changé de position ?

L’Angola, l’Algérie et l’Afrique du Sud, sans jamais s’opposer à un retour du Maroc, ont exprimé leurs réserves. Ils considèrent l’autodétermination des peuples comme le principe fondateur de l’Union africaine. Ce territoire est contesté par les Marocains et les Sahraouis. En revenant dans l’Union africaine, le Maroc devra accepter le principe de la négociation. Si l’on ne sait pas quelle stratégie sera adoptée, il y a au moins une certitude : le Maroc ne renoncera pas à ses visées sur le Sahara qu’il considère comme partie intégrante de son territoire.

Le Maroc avait quitté l’UA en 1984 pour protester contre la reconnaissance de l’Institution de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Quelles sont les origines du conflit ?

Le conflit date de 1975. Le territoire était occupé par l’Espagne. Cette dernière s’est retirée sans préparer de décolonisation. Ce territoire se trouvant dans le prolongement du Maroc et étant donné les liens historiques importants entre les Marocains et les tribus qui y vivent, le roi Hassan II, père de l’actuel monarque, a lancé la « marche verte », le 6 novembre 1975, afin de récupérer ces territoires contestés. Des affrontements armés s’en sont suivis. Ils ont cessé en 1992 et laissé place à une longue bataille juridique devant les tribunaux internationaux. Aujourd’hui c’est le statu quo et l’armée marocaine est présente dans le Sahara occidental.

Le Polisario était d’abord soutenu par la Libye, puis par l’Algérie qui apporte l’essentiel du soutien logistique aux indépendantistes. Ce différend entre l’Algérie et le Maroc a lieu sur fond de rivalités autour du leadership du Maghreb. Il fait obstacle à l’intégration régionale.

Le Maghreb est l’une des rares régions au monde qui a une unité linguistique, culturelle, religieuse et géographique. Elle ne parvient pourtant pas à créer un ensemble régional cohérent qui lui permettrait d’être beaucoup plus fort et cohérent sur la scène internationale. Dans un monde instable, une solution doit être trouvée au Polisario. Il permettrait peut-être d’amorcer l’intégration du Maghreb.
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