ANALYSES

Election de Donald Trump : quel impact pour l’Afrique ?

Tribune
14 novembre 2016
L’élection de Barack Obama était vécue en 2008 comme une grande fierté pour l’Afrique. Le rêve africain rejoignait le rêve américain. En réalité, l’Afrique n’a pas été une priorité pour le président des Etats-Unis et les Afro-Américains ont été globalement déçus.

L’élection de Donald Trump conduit à une grande inconnue quant aux relations entre l’Afrique et les Etats-Unis. Elle divise les opinions publiques africaines et apparaît surtout comme un risque, sauf pour les régimes autoritaires comme celui du Burundi de Pierre Nkurunziza ou celui de Joseph Kabila pour la République démocratique du Congo qui ont immédiatement félicité le nouveau président, comme l’ont fait Poutine et Marine Le Pen. Bien entendu, la xénophobie, le racisme et l’isolationnisme (« America first ») de la rhétorique trumpiste sont majoritairement perçus négativement par les Africains.

Il faut évidemment faire le tri dans les déclarations contradictoires et versatiles d’un entrepreneur sans expérience politique, d’un communiquant hors pair et d’un tribun « sociopathe », en résonnance avec « le peuple » et exprimant le refoulé sur le religieux, la xénophobie, la haine de l’autre et la peur. Il a su répondre aux attentes des Blancs en perte de repères, aux délaissés du capitalisme financier et éloignés de l’establishment des élites, etc. Plus le monde devient complexe et interdépendant, plus les discours renvoyant aux réflexes identitaires et à la passion l’emportent sur les réflexions et la raison.

L’Afrique a été absente des discours de Trump et ce continent qu’il ne connait guère est loin d’être sa priorité. Il n’a pas à ce jour de conseiller sur l’Afrique. Qu’adviendra-t-il des propos tenus lors de la campagne présidentielle ? Mettra-t-il en œuvre ses déclarations ou cherchait-il un simple effet d’annonce ? Quelle sera la liberté du président face au Congrès même si celui-ci est majoritairement républicain ?

Rappelons que la politique africaine des Républicains et des Démocrates est historiquement proche : les trois priorités de la politique des Etats-Unis sont, tout d’abord, la lutte contre le terrorisme et un renforcement de la stratégie d’endiguement de l’islamisme ou d’ « Etats voyous » par un programme d’assistance militaire et un appui logistique ; le renforcement des échanges et des investissements pétroliers ainsi que la sécurisation maritime du Golfe de Guinée et de la Mer rouge ; les échanges et l’aide fondée sur la démocratie notamment par l’African Growth Opportunities Act (AGOA) qui concerne 38 Etats africains.

L’impact prévisible – avec de nombreuses inconnues – de cette élection peut être évalué au niveau des relations bilatérales entre les Etats-Unis et les Etats africains :

– En ce qui concerne l’immigration avec discrimination selon la religion et les pays d’origine où sévissent des djihadistes, le contrôle des frontières va, selon toute vraisemblance, réduire les flux migratoires venant d’Afrique et favoriser des détours de trafic vers l’Europe.

– La priorité des droits de l’homme, affichée par Barack Obama disant en 2009 que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes », sera remise en question avec la suppression des sanctions pour violation des droits de l’homme ou soutien à la société civile.

– Les avantages que les pays africains tiraient d’un accord bilatéral asymétrique comme l’AGOA (conforme à l’article XXIV de l’OMC de traitement spécial et différencié) seront vraisemblablement remis en cause en faveur d’un accord réciproque.

– L’aide américaine sera vraisemblablement réduite compte tenu de la baisse des impôts et de la priorité des investissements d’infrastructures aux Etats-Unis.

– La priorité énergétique d’un président très lié aux lobbys pétroliers aura des effets contradictoires sur les pays africains producteurs d’hydrocarbures. Elle pèsera à la baisse sur les prix de l’or noir en réorientant les Etats-Unis vers les gaz de schistes ou en amenant l’Iran à diminuer sa production.

– En revanche, la realpolitik américaine privilégiera les intérêts économiques en termes d’accès aux matières premières et de marchés croissants auxquels l’homme d’affaires Trump est très sensible. Sous l’influence du Pentagone et de certains néo-conservateurs, la priorité aux dépenses militaires et à la lutte contre le djihadisme aboutira, en relation avec des partenaires comme la France, à renforcer l’appui militaire dans les pays africains sahélo-sahariens ou dans la Corne de l’Afrique. Les Etats-Unis continueront de s’appuyer sur des « Etats pivots » en menant des guerres par procuration et maintiendront l’approche « light footprint » (empreinte légère). Celle-ci conduit à intervenir par le biais de sociétés privées de sécurité, de forces spéciales, d’appuis logistiques et de systèmes de renseignements. On peut prévoir que les néo-conservateurs des Etats-Unis, proches de Donald Trump, s’en prendront aux seules manifestations du terrorisme et du djihadisme et non à son terreau en termes de fractures sociales, territoriales, d’absence de perspective pour des jeunes majoritaires démographiquement mais minoritaires sur les plans économique, social et politique.

L’élection de Donald Trump aura surtout des impacts sur l’Afrique au niveau multilatéral avec la remise en cause des priorités climatiques et peut être de la Convention climat. Or l’Afrique est le continent le plus concerné par les effets du réchauffement et des aléas climatiques. La compétition commerciale avec la Chine et la nouvelle alliance avec la Russie modifieront la donne en Afrique.

L’isolationnisme proclamé et la remise en cause du multilatéralisme, dont les pays pauvres sont plutôt bénéficiaires, renforceront la realpolitik favorable aux Etats puissants. L’isolationnisme, l’unilatéralisme et le protectionnisme d’une puissance mondiale génèrent toujours des effets plutôt négatifs pour des sociétés et des Etats largement en marge d’un système international dominé par les grandes puissances.

Beaucoup d’inconnues demeurent mais l’on peut affirmer que, globalement, les Africains ne sont pas des gagnants de l’élection américaine.
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