ANALYSES

«Les djihadistes agissent comme ils veulent»

Presse
24 avril 2013
Vous revenez tout juste de Libye. L’attentat de l’ambassade de France à Tripoli est-il le signe que la situation est encore fragile depuis la chute du régime Kadhafi ?

La situation en Libye est loin d’être stabilisée. Il y a à peine quinze jours, une prison a été attaquée dans l’Est du pays pour faire libérer des prisonniers. Je ne suis pas surpris par cet attentat. D’ailleurs, la France n’est pas le seul pays visé : il y a eu l’attaque contre l’ambassade des États-Unis, il y a quelques mois et la tentative d’assassinat de l’ambassadeur italien. De plus, ces attentats ne sont que très peu condamnés et n’ont pas le soutien populaire. En Libye, on est encore dans cette division tribale où chacun essaye de pousser ses pions comme il peut. C’est sans cesse un rapport de force qui s’installe. Chaque tribu a sa petite armée, sa radio, ses propres codes. La notion d’État n’est pas encore entrée dans les mœurs.


L’intervention française au Mali pourrait-elle expliquer cet attentat ?

Il y a une telle confusion dans la région que tout est possible. L’intervention militaire de la France au Mali, clairement, est une explication. Il y a par ailleurs une telle forme de nihilisme jihadiste qui s’organise que tout est permis. Indépendamment de la situation du pays, les jihadistes n’attendent pas les ordres d’un groupe – Al Qaïda ou d’autres – pour agir. Chacun agit en fonction de sa réalité. La dictature est tombée, mais les pratiques n’ont pas changé. Les gouvernements se succèdent sans arriver à se former durablement. Il est très difficile de faire comprendre à ceux qui ont fait la guerre à Kadhafi qu’il faut désormais faire un État ensemble. La culture tribale est très importante dans le pays.


L’après-Kadhafi a cédé la place à la confusion la plus totale. Comment faire pour en sortir ?

On n’est pas sorti des guerres internes. Entre les islamistes, les anciens du régime Kadhafi encore très présents dans le monde des affaires et les tribus, aucun dialogue n’est possible pour l’instant. La police est sans cesse prise à partie et il y a encore énormément d’armes qui circulent. Les milices, qui s’étaient organisées contre Kadhafi, n’ont toujours pas été désarmées. La situation n’est pas réjouissante et quand vous traversez le pays, vous êtes constamment arrêté par des tribus, lors de check points improvisés, où il faut payer à chaque fois pour passer.

Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?