ANALYSES

Vers une reconstruction de l’Etat de Centrafrique ?

Interview
13 janvier 2014
Le point de vue de Philippe Hugon
Anti-Balakas et Sélékas se sont réconciliés publiquement. Cet événement peut-il être interprété comme une nouvelle page de l’histoire de la Centrafrique et la fin du conflit malgré des incidents violents survenus récemment à Bangui ?

On a effectivement vu des désarmements, des réconciliations dans des quartiers et le nouveau président par intérim est allé dire aux 100 000 réfugiés qui résident près de l’aéroport qu’ils pouvaient maintenant rentrer chez eux en toute sécurité. Nous sommes donc actuellement dans une phase où les possibilités de réconciliation apparaissent et il semblerait que la situation tende à l’apaisement. Ceci étant, il faut rester très prudent car le désarmement n’est pas complétement assuré. Il faut également voir qu’elles vont être les solutions institutionnelles et constitutionnelles, puisque dans les quinze jours un nouveau président doit être élu, qui peut d’ailleurs être l’actuel président du Conseil national de transition, Alexandre-Ferdinand Nguendet.

Alexandre-Ferdinand Nguendet est donc désormais président par intérim. Êtes-vous optimiste quant à la tenue de prochaines d’élections ? Dans quelles conditions pourront-elles se tenir et pourront-elles répondre selon vous à l’urgence de la situation centrafricaine ?

Il y a effectivement urgence, notamment au niveau humanitaire et sécuritaire. A mon avis les élections ne pourront pas avoir lieu, qu’elles soient législatives ou présidentielles, avant 2015. Il me paraît très difficile d’envisager qu’elles aient lieu en 2014. Ce qui me semble prioritaire c’est évidemment qu’il y ait un nouveau président dans les 15 jours, qui pourrait d’ailleurs être le président par intérim actuel. D’autre part, il faut que progressivement une reconstitution de l’Etat de Centrafrique se mette en place en ce qui concerne l’armée, la police, la gendarmerie, ainsi que tous les rouages de l’Etat qui aujourd’hui ne fonctionnent pratiquement plus, sans parler de la reprise économique. Je pense que dans le cas de la Centrafrique il est très important qu’il y ait une conférence nationale qui regroupe les différentes forces, tels que les partis politiques, les entités religieuses et les représentants de ce qu’on appelle la société civile, pour permettre une réconciliation durable. Celle-ci me semble d’ailleurs tout à fait possible étant donné que traditionnellement il n’y a pas de conflits majeurs dans le domaine ethnique ou religieux en Centrafrique. Mais, évidemment, en situation de crise, il y existe une cristallisation. C’est pourquoi une conférence nationale de réconciliation me paraît indispensable à la mise en place d’un nouveau parlement, d’un nouveau président et d’élections. Je pense qu’il faut donner là du temps au temps et que ces changements ne peuvent se faire immédiatement.

Quel a été le rôle de la France et du Tchad dans cette avancée de la résolution du conflit ?

Il se trouve qu’une réunion à N’Djamena à l’initiative d’Idriss Déby Itno, le président tchadien, a entériné le départ de Djotodia en même temps que le premier ministre, lui qui avait été mis au pouvoir par la Séléka et qui n’avait pas montré la possibilité de véritablement assurer la paix dans le pays. Donc le départ du président et du premier ministre du gouvernement de transition, est dû en grande partie à l’importante influence du Tchad, même si nous savons très bien que la France souhaitait également ce départ. Actuellement, la personne qui supervise l’évolution de la situation centrafricaine est le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, qui joue également un rôle de médiateur. Mais il est vrai que la France et le Tchad ont joué un rôle central dans la résolution du conflit centrafricain.
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