ANALYSES

Mali : des combattants nigérians de Boko Haram soutiennent les groupes islamistes

Tribune
14 janvier 2013
Par Laurent de CASTELLI, diplômé en Défense, sécurité et gestion de crise d’IRIS Sup’, spécialiste de Boko Haram
Selon RFI(1) plus de 300 jihadistes s’étaient rassemblés dans la localité de Bambara-Maoudé, le lundi 7 janvier, au sud de Tombouctou, dans ce qui semblait être le ‘plus grand rassemblement d’islamistes dans une localité du nord du Mali sous leur contrôle’ (2). Toujours selon RFI, citant des témoins sur place, ce rassemblement était composé d’éléments d’Ansar Dine, d’AQMI, du Mujao et… de Boko Haram, la secte islamiste nigériane.

Si on a pu douter de l’étroitesse des liens entre les différents groupes islamistes dans le Nord du Mali, ce ‘déploiement de forces’, ainsi que les combats de ces dernières heures est bien la preuve qu’ils sont prêts à lutter ensemble. Peut-être pas sous le même haut commandement mais en tout cas dans la même direction.

Nous croyons et nous avons vu des rapports [confirmant’ target=’_blank’>Comme on le soupçonnait depuis maintenant plusieurs mois que Boko Haram reçoit un soutien financier, probablement un entraînement, probablement quelques explosifs, d’Al-Qaïda au Maghreb islamique dans une relation qui va dans les deux sens »(3). Ce soutien, dont les combattants de Boko Haram ont bénéficié au cours de l’année passée, leur a permis de multiplier les attaques sophistiquées et les attentats-suicides au Nigeria, faisant de l’année 2012 la plus meurtrière depuis la création de la secte il y une dizaine d’années. Si la relation est effectivement « dans les deux sens » comme le pense le général Carter Ham, c’est au tour de Boko Haram d’apporter son aide à AQMI en fournissant des combattants, dans des proportions encore inconnues, pour lutter dans le Nord du Mali.

En plus de ce soutien, AQMI peut certainement compter sur celui d’Ansaru, un autre groupe islamiste nigérian, qui a revendiqué l’enlèvement de l’ingénieur français survenu le mercredi 19 décembre 2012 au Nigéria, près de la frontière avec le Niger. On sait très peu de choses au sujet de ce nouveau groupe dirigé par Abu Ussamata Al Ansari, qui serait une faction dissidente de la secte Boko Haram et s’en serait éloigné il y a moins d’un an. Ansaru reproche au groupe d’Abubakar Shekau (actuel leader de Boko Haram) de s’en prendre également aux musulmans nigérians lors des nombreuses attaques perpétrées par la secte dans le Nord du Nigéria et de ne pas suffisamment cibler les Occidentaux.

Il est vrai que les combattants de Boko Haram – en plus des attaques menées contre les chrétiens, les forces de sécurité, les journaux et les opérateurs de télécommunications – n’hésitent pas à s’en prendre aux musulmans qui n’adhèrent pas à leur idéologie, soupçonnés d’être trop proches du gouvernement ou qui sont critiques à l’égard de la secte. Bien que le groupe ait revendiqué l’attentat suicide contre le siège des Nations Unies à Abuja, le 26 août 2011 faisant 23 morts et 81 blessés, les cibles des attaques de Boko Haram sont principalement des Nigérians. Aujourd’hui, la présence de la secte nigériane au Mali aux côtés des autres groupes islamiques montre que cela a évolué.

Le groupe Ansaru, quant à lui, a pour objectif affiché de créer un vaste Etat islamique (une sorte de Califat) englobant plusieurs pays. Une idéologie plus internationale et anti-occidentale, et par conséquent plus proche de l’idéologie d’AQMI, que celle dont Boko Haram faisait preuve jusqu’à présent. Dans un communiqué du 23 décembre 2012, le groupe Ansaru déclare avoir choisi un ressortissant français en raison du « rôle majeur de la France » dans la préparation de l’intervention « contre l’Etat islamique dans le Nord du Mali », ainsi que « la position du gouvernement français et des Français vis-à-vis de l’Islam et des musulmans ». Au regard de ces éléments et de l’annonce de l’intervention de l’armée française au Mali, il serait par conséquent étonnant que des membres d’Ansaru ne soient pas également présents au Mali dans un avenir proche.

Aujourd’hui les membres des milices islamistes d’AQMI, d’Ansar Dine, du Mujao et de Boko Haram ont montré qu’ils savaient se synchroniser pour lancer des opérations communes, ce qui ne présage rien de bon pour la future intervention militaire au Mali.

(1) RFI.fr, ‘Mali: les islamistes armés se rapprochent de la ligne de front’, publié le lundi 7 janvier 2013.
(2) RFI.fr, ‘Mali: rassemblés à Bambara-Maoudé, les groupes jihadistes reluquent vers le sud’, publié le lundi 7 janvier 2012.
(3) General Carter Ham, commander of U.S. Africa Command (AFRICOM), George Washington University, Washington, D.C., Dec 3, 2012.

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