ANALYSES

« Dis-moi où sont les fleurs ? Essai sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy » – Questions à Jean-Christophe Cambadélis

Tribune
10 décembre 2010
Vous êtes extrêmement sévère sur le bilan de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. Pourtant sa présidence de l’Union avait été jugée positive y compris en dehors du cercle de ses partisans. Vous ne partagez pas ce jugement ?

Franchement non. Si Nicolas Sarkozy a repris avec énergie les propositions de régulation de Gordon Brown, il n’a été ni visionnaire, ni gestionnaire. Il s’est borné à des mesures de conjoncture mais n’a pas profité de la crise pour avancer concrètement vers un gouvernement économique. Toute l’Europe aurait suivi et l’Allemagne aurait été contrainte. Et il n’a pas été capable, à part sur l’immigration, d’avancer sur la feuille de route que la France s’était fixée à elle-même pour cette présidence.

Que reprochez-vous à sa politique à l’égard de l’Allemagne et que proposez-vous pour relancer le couple franco-allemand ?

Le couple franco-allemand est nécessaire mais pas suffisant pour agir en Europe. Et comme l’Allemagne s’interroge sur ce que l’Europe peut lui apporter aujourd’hui, il fallait proposer une nouvelle frontière au couple. Si l’Allemagne est fondée à pointer le déficit budgétaire d’un certain nombre de pays de la zone euro, elle ne peut occulter sa responsabilité majeure et directe dans les déficits économiques rencontrés par ces mêmes pays. Dans le même temps, il fallait activer un multilatéralisme européen pour un nouveau départ (plan de relance et stratégie de sortie de crise) comme le PSE le proposa et l’accord PS-SPD l’a codifié.

Vous reprochez à Nicolas Sarkozy d’avoir déséquilibré la politique française au Proche-Orient. Pouvez-vous préciser votre jugement ?

Nicolas Sarkozy s’est intégré dans un premier temps au dispositif néoconservateur de Bush dont le Likoud était la pierre angulaire au Moyen-Orient. Il s’est refusé à voir que les colons prenaient en otage le conflit et, d’un certain point de vue, la sécurité du Monde. Il a cru qu’en multipliant les concessions, alors qu’il était président de l’Europe, ceci lui permettrait d’être l’interlocuteur d’Israël.

Que reprochez-vous à Nicolas Sarkozy dans sa relation avec la Chine et que proposez-vous vis-à-vis de sa montée en puissance?

Son incohérence ! Il a changé quatre fois de posture en moins de deux ans, agitant les droits de l’Homme en menaçant de ne pas être présent aux Jeux olympiques de Pékin, puis y allant, puis recevant le Dalaï Lama, puis l’oubliant. Il faut de la cohérence. Il faut respecter la Chine. Éviter de lui donner des leçons surtout quand on n’a pas été exemplaire sur les Roms. Il faut clairement indiquer ce que sont nos préoccupations. La France ne peut pas se passer de la Chine, mais on ne peut pas tout lui passer ; notre déficit de commerce extérieur, la question monétaire, climatique, et l’État de droit sans lequel, au passage, il n’y a pas de marché viable. Enfin, notre objectif doit être moins de contrer sa montée en puissance que de construire avec la Chine et d’autres un monde multipolaire régulé et équilibré.
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