ANALYSES

20 ans après, quelles conséquences économiques du 11 septembre ?

Tribune
14 septembre 2021


Peu après le 11 septembre 2001, l’IRIS publiait un recueil d’articles interrogeant les conséquences de ces attentats. Je rédigeais celui sur les conséquences économiques, expliquant qu’un tel évènement, après un moment de panique bien compréhensible sur les marchés financiers, ne pèserait qu’assez peu sur les dynamiques économiques de l’époque. En réalité, il est difficile de mesurer l’impact réel tant les conséquences géopolitiques de l’intervention militaire de l’OTAN en Afghanistan ou de celle, des États-Unis en Irak, de nouveaux attentats, etc., sont durablement venues impacter nos modes de vie.

Il faut noter que déjà en 2001, avant les attentats du 11 septembre, l’économie américaine connaissait un ralentissement de sa croissance économique. Elle faisait suite à l’éclatement de la bulle Internet, cette spéculation qui, tout au long des années 1990, avait conduit à survaloriser des start-ups du numérique et soutenu la croissance économique durant toutes les années de la présidence Clinton. Et plus que les attentats du 11 septembre, c’est un autre évènement qui en cet automne 2001 allait avoir des conséquences économiques de manière plus certaine et durable. L’entrée de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce en décembre de cette même année constitue probablement et rétrospectivement, un évènement bien plus marquant pour l’économie mondiale mais aussi des États-Unis que l’impact des attentats du 11 septembre 2001.

La Chine était candidate à l’OMC et précédemment au GATT depuis la fin des années 1980. Son entrée à l’OMC était donc programmée de longue date. Elle arrive toutefois à point nommé fin 2001, peu après les attentats du World Trade Center. Au printemps 2001, un incident aérien au large de l’île d’Hainan en mer de Chine avait fortement refroidi la relation entre les deux pays : une collision entre deux avions, l’un de la Marine américaine, l’autre de la Marine chinoise, avait entraîné la mort d’un aviateur chinois et à l’atterrissage sur le territoire chinois de l’avion américain conduisant ensuite à la détention par la Chine des 24 membres de l’équipage pendant plusieurs jours.

A la veille du 11 septembre, les relations entre les deux pays sont donc extrêmement tendues et c’est avec un grand flair politique que malgré cette situation, le président chinois de l’époque, Jiang Zemin, présente quelques heures à peine après les attentats ses condoléances au président des États-Unis et au peuple américain. Georges W. Bush poussera alors à partir de ce moment-là en faveur de l’accession de la Chine à l’OMC, soucieux de se libérer de cette menace chinoise pour recentrer les forces américaines dans la guerre contre le terrorisme qui s’ouvrait. 20 ans après, le retrait d’Afghanistan signe aussi un changement radical de stratégie de ce point de vue-là. L’accession à l’OMC a en effet permis à la Chine de profiter de larges bénéfices de la mondialisation, devenant d’abord l’atelier du monde, puis lui permettant de moderniser son économie pour se hisse au 2nd rang mondial – mesuré en PIB (elle était 7e en 2001) – derrière les États-Unis. Ces derniers, dont le leadership mondial est directement menacé par la puissance chinoise, veulent aujourd’hui y dédier toute leur énergie.

Au-delà de l’entrée de la Chine, la conférence de l’OMC en 2001 était également marquée par un nouvel évènement : l’ouverture du premier cycle de négociations de cette toute jeune organisation (rappelons que la création de l’OMC date de 1995) qu’est le cycle de Doha pour le commerce et le développement. Deux ans après l’échec de la conférence de Seattle, où les manifestations des mouvements altermondialistes critiquant les conséquences négatives de la mondialisation avaient obligé les autorités américaines à l’annulation de l’évènement , et quelques semaines après les attentats du 11 septembre, cette édition à Doha avait pour ambition de lancer une nouvelle dynamique pour une mondialisation plus inclusive des dimensions sociale ou environnementale et de la difficulté des plus démunis et des pays en développement à mieux s’insérer aux marchés mondiaux pour développer leur économie.

L’échec du cycle de Doha, 20 ans plus tard, en dit long sur le réalisme d’une telle ambition dont il apparaît à l’aune des évolutions de l’économie, mais aussi des relations internationales ou encore des défis mondiaux, qu’elle était et reste plus que jamais une nécessité. Après la pandémie de Covid-19 et ses conséquences, face à l’image délétère que donnent à voir les Occidentaux partout dans le monde et qui menace l’idée même de démocraties, face au changement climatique, à une gouvernance mondiale en panne, à une mondialisation toujours plus questionnée, à des inégalités et des injustices devenues insupportables, saurons-nous renouveler une telle ambition ? Rien n’est moins sûr à l’heure des replis sur soi ou des affrontements pour le leadership mondial.
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