ANALYSES

Nouvelle ère dans les relations Chine-Japon ou politique d’équilibre ?

Tribune
30 octobre 2018


Les relations sino-japonaises ont été tendues ces dernières années avec notamment des contentieux territoriaux non résolus et un développement marqués des budgets militaires, surtout côté chinois.

Aussi, la visite de trois jours en Chine du Premier ministre japonais Shinzo Abe, achevée vendredi 26 octobre, était attendue et suivie avec intérêt.

« Je veux propulser les relations Chine-Japon dans une nouvelle ère, (passer) de la compétition à la collaboration » a déclaré le Premier ministre japonais à l’ouverture de ses discussions avec le Premier ministre chinois Li Keqiang.

Shinzo Abe a ensuite rencontré le président chinois Xi Jinping. La Chine et le Japon se sont engagés vendredi 26 octobre, à nouer des relations plus étroites alors que les deux pays ont évoqué un « tournant historique » en signant un large éventail d’accords, notamment un pacte d’échange (swap) de devises d’un montant de 30 milliards de dollars, face à la montée des tensions commerciales avec Washington.

Des accords s’élevant à 18 milliards de dollars ont également été conclus entre des entreprises chinoises et japonaises lors de la visite de M. Abe, indique le journal Asahi. Plus de 50 transactions et accords ont été signés.

Shinzo Abe et Li Keqiang ont également convenu que les deux pays travailleraient ensemble pour parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, Tokyo étant particulièrement inquiet du programme nucléaire et balistique de Pyongyang.

Les deux pays voisins et partenaires ne deviendront pas une menace l’un pour l’autre, a déclaré Abe après sa rencontre avec le président Xi Jinping vendredi. A noter, ce sommet sino-japonais est le premier d’une telle importance depuis 2011.

La politique visant à renforcer les liens économiques entre les deuxième et troisième économies de la planète intervient alors que la Chine et les États-Unis se sont mutuellement opposés sur les tarifs douaniers au cours des derniers mois.

Les dirigeants chinois et japonais ont souligné l’importance du libre-échange. Abe et Li ont soutenu l’accélération des négociations sur un accord de libre-échange à trois avec la Corée du Sud, ainsi que sur le partenariat économique global régional (RCEP), observe The Diplomat.

Limites de l’exercice

Alors que le Japon, toujours très soucieux de la montée en puissance de la force navale chinoise, souhaite des liens économiques plus étroits avec la Chine qui est son principal partenaire commercial, il doit gérer ce rapprochement sans inquiéter son principal allié pour la sécurité, les États-Unis, avec lesquels il a ses propres problèmes commerciaux.

Par ailleurs, le porte-parole du gouvernement japonais a indiqué que M. Abe avait déclaré au Premier ministre Li lors de leur entretien, que les relations bilatérales ne seront « réellement améliorées » que si règne la « stabilité de la mer de Chine orientale ». Le différend principal porte sur les îles Senkaku (Diaoyus pour les Chinois). Comme le souligne le journal conservateur Yomiuri Shimbun, les intrusions régulières des navires chinois dans les eaux territoriales japonaises autour des îles Senkaku risquent de se transformer en une crise beaucoup plus grave si ces intrusions dégénéraient. Même lors de ce sommet, Abe et Xi n’ont pas réussi à ouvrir la voie à une résolution des affrontements à propos des Senkaku. S’agissant d’un mécanisme de liaisons aérienne et maritime visant à éviter les collisions accidentelles entre l’armée chinoise et les forces d’autodéfense japonaises, les dirigeants des deux pays se sont contentés de confirmer leur volonté d’établir rapidement un téléphone rouge.

De façon significative, la visite de M. Abe en Chine a été suivie samedi de la visite au Japon de son homologue indien Narendra Modi, montrant qu’Abe veut contrebalancer la puissance chinoise avec le troisième grand asiatique. « Lors des discussions entre Abe et Modi, des responsables indiens ont déclaré que les deux pays envisageaient de renforcer « l’alliance stratégique » entre la marine indienne et la force d’autodéfense maritime. » indique le Japan Times.

Le Japon et l’Inde, ainsi que les États-Unis, ont renforcé leur coopération en matière de défense afin de contrer l’influence croissante de la Chine dans la région, les trois pays organisant régulièrement des exercices navals dans l’océan Indien.

Il n’en reste pas moins que Shinzo Abe a invité le président Xi à se rendre au Japon en cette année qui marque le quarantième anniversaire du traité de paix et d’amitié entre le Japon et la Chine. Shinzo Abe veut donc profiter de l’éclaircie dans les relations sino-japonaises pour avancer vers une relation moins conflictuelle tout en protégeant ses arrières avec ses alliés traditionnels ou plus récents.
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