ANALYSES

La visite de Hu Jintao à Washington illustre le besoin des deux « grands » de ne pas exacerber les sujets de frictions

Presse
20 janvier 2011
Pascal Boniface - Sud Ouest
Comment voyez-vous la rivalité sino-américaine alors que Barack Obama déroule le tapis rouge à Hu Jintao ?

Ce n’est ni la guerre froide ni un condominium. II est impossible de comparer la relation Pékin-Washington à celle qui opposait Washington et Moscou durant la guerre froide à l’époque, chacun des protagonistes défendait un modèle idéologique et de société qu’il voulait imposer à l’autre. Aujourd’hui, les Chinois ne contestent pas le modèle américain, ils ne veulent pas renverser les règles. Ce n’est pas non plus un « G2 », car chacun veut gagner la compétition l’un pour rester numéro un alors qu’il est en déclin relatif, l’autre pour le devenir, et il est en pleine ascension. On est face à une situation classique de rivalités nationales. Yuan, commerce, armées, droits de l’homme, Tibet, minerais rares, les sujets de discorde sont nombreux.


Quels sont les plus chauds ?

La montée en puissance de l’armée chinoise cause une forte inquiétude aux Etats-Unis. Car malgré le rapport de 1 à 8 qui demeure entre les deux budgets militaires en faveur du Pentagone, les capacités chinoises augmentent, et Pékin n’est pas englué en Afghanistan. La monnaie est l’autre point clé, avec la demande insistante des Américains d’une réévaluation du yuan. Mais il faut voir que, si la Chine acceptait de le faire de façon substantielle, ce qu’elle a refusé jusqu’ici, cela renforcerait son pouvoir d’achat, y compris d’actifs sur le territoire américain comme on l’a vu il y a vingt ans avec le Japon, quand Tokyo avait réévalue son yen à la demande de Washington. La Chine a laissé ces derniers mois le yuan se réévaluer légèrement, moins que ne le voulaient les Américains, mais plus qu’elle ne l’avait prévu. Elle estime qu’il s’agit d’une concession et ne va pas se lancer dans des mouvements brusques, ce n’est pas le genre de la maison.


Barack Obama, en difficulté avec les républicains, qui l’accusent de mollesse, ne serait-il pas tenté de se montrer plus dur ?

Ce n’est pas dans son intérêt, ni, d’ailleurs, dans celui de la Chine. II est préférable pour chacun de bien cerner les points de friction pour, ensuite, valoriser les terrains d’entente afin de montrer à ses compatriotes qu’il a engrangé un résultat. Barack Obama a intérêt à saluer en Hu Jintao un partenaire important dont il aura obtenu des concessions favorables à l’intérêt national américain. C’est essentiel pour lui dans le contexte actuel de crise persistante aux Etats-Unis, mais cet agenda vaut aussi, dans une certaine mesure, pour le numéro un Chinois.


Quel est l’impact, pour les autres pays, du dialogue sino-américain ?

Que les deux puissances dominantes se parlent est important pour tout le monde, car ce n’est pas si fréquent et cela intervient à un moment où l’on sort à peine d’une crise mondiale. Si ce dialogue permet de prendre des mesures pour la clore et éviter qu’elle ne se renouvelle, c’est capital, même si les autres pays peuvent redouter qu’un accord ne se fasse sur leur dos. La France peut espérer qu’il fasse avancer ses propositions de régulation internationale faites en tant que présidente du G8 et du G20, mais ce n’est pas acquis, car Pékin et Washington n’ont pas les mêmes appréciations sur ces dossiers.

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