ANALYSES

Le souhait d’indépendance pour la Catalogne est-il possible ?

Interview
14 septembre 2014
Le point de vue de Jean-Jacques Kourliandsky
Comment comprendre ce souhait d’indépendance de la Catalogne ?

Il convient tout d’abord de noter que la manifestation d’hier (11 septembre) était une manifestation avec des partisans aux objectifs différents. Certains, comme l’ERC, le parti indépendantiste (la gauche républicaine de Catalogne), souhaitent une indépendance de la Catalogne. D’autres participants souhaitent eux une consultation sur l’avenir de la Catalogne et que cette consultation puisse être autorisée et négociée avec le gouvernement central à l’image du cas écossais. Le dénominateur commun à tous les manifestants d’hier, c’est le souhait d’être consulté sur leur avenir car ils considèrent que le rapport actuel de la région autonome catalane à l’Espagne n’est pas bon et que toutes les formules utilisées jusqu’ici ont échoué.

Une victoire du “oui” lors du référendum portant sur l’indépendance de l’Ecosse, qui doit se tenir le 18 septembre prochain, ne risque-t-elle pas d’apporter de l’eau au moulin des indépendantistes catalans, mais encore d’autres régions d’Espagne ?

Le parallélisme avec la situation en Ecosse est difficile à réaliser car du point de vue institutionnel, on a affaire à deux réalités politiques différentes. En effet, dans le cas écossais, il y a eu un accord entre les autorités centrale et régionale et la consultation est tout à fait légale, ce qui n’est pas le cas en Catalogne où le gouvernement de Madrid a fait savoir qu’il n’autoriserait en aucun cas la tenue d’une telle consultation. Il a même affirmé que si les autorités régionales décidaient d’organiser unilatéralement un référendum, il saisirait immédiatement le Tribunal Constitutionnel en vue qu’il déclare cette décision non-conforme à la Loi fondamentale espagnole. Il est cependant vrai que si le résultat du référendum écossais était positif, cela va conforter ceux qui souhaitent la tenue d’une consultation d’auto-détermination, que certains voient comme un premier pas vers l’indépendance.
Lors de la manifestation d’hier, une délégation du gouvernement de la région autonome du Pays basque, dirigée par le parti nationaliste basque, est venue apporter son soutien aux manifestants. Il y avait également de nombreux autobus venant de la région voisine de Valence, la communauté valencienne, dont la langue officielle (le valencien) est en fait une variante du catalan. C’est pourquoi de nombreux Valenciens s’identifient à l’identité catalane. On peut donc penser que tout ce qui va se passer en Catalogne aura nécessairement une incidence au Pays basque, dans la communauté valencienne, éventuellement aux Baléares, où on parle catalan, voire même en Galice qui a une identité culturelle et une forte tradition autonomiste. La façon dont va se résoudre cette crise aura donc forcément un effet boule de neige

Selon, le gouvernement central espagnol, la Constitution n’autorise pas la région de la Catalogne à autoriser un référendum, pourtant les autorités régionales catalanes souhaitent en organiser un le 9 novembre prochain. Est-on au bord d’une situation explosive ?

Il serait malavisé de qualifier la situation d’explosive. Effectivement, le gouvernement de Madrid a fortement souligné qu’une consultation en Catalogne, et dans n’importe quelle autre région d’Espagne, ne pouvait être organisée qu’avec son accord et celui du gouvernement de Madrid. Or si une entité régionale essaie de passer outre, elle se trouverait nécessairement en porte-à-faux vis-à-vis de la Constitution comme on l’a déjà dit). Il existe aujourd’hui une crise mais les autorités catalanes et son président (Artur Mas) en sont tout à fait conscients : ce dernier a déjà déclaré à plusieurs reprises que, de son point de vue, il était hors de question d’organiser un référendum qui n’aurait pas reçu préalablement l’aval des autorités de Madrid. En revanche, ses alliés de la gauche républicaine catalane sont eux partisans d’organiser des manifestations de résistance civique, c’est-à-dire des référendums sauvages, en cas de refus des autorités centrales. Ce qu’on peut penser, c’est qu’Artur Mas a bien analysé la situation juridique et que, prenant acte de l’impasse politique et institutionnelle, il décide de reposer le problème sous une autre forme en prononçant la dissolution du gouvernement catalan et en orientant la nouvelle campagne électorale sur le thème de la nécessaire consultation de la Catalogne sur son avenir, ce qui lui permettrait (alors que son parti est en difficulté) de retrouver une majorité sur des bases plus solides et plus ouverte à la négociation.
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