ANALYSES

Les nouvelles armes de Pékin

Tribune
20 janvier 2011
Dans un premier temps, on a parlé d’un missile balistique anti porte-avions, dont on disait même qu’il serait déjà déployé. Puis, une ‘maladresse’ d’un Institut chinois chargé de prospective maritime a dévoilé l’arrivée imminente d’un porte-avions. Enfin, le 11 janvier 2011, un prototype d’avion de chasse furtif faisait son premier vol, au moment même où le Secrétaire d’Etat à la Défense, Robert Gates, arrivait à Pékin pour relancer le dialogue militaire entre les deux pays.

Ces trois annonces, qui n’ont pas surpris outre mesure les observateurs de la Chine, ont en commun d’avoir été médiatisées par le ‘buzz’, principalement sur des blogs chinois, de ne pas avoir été démenties ou bloquées dans un premier temps et d’avoir été confirmées de manière semi-officielle par la suite. Le Président Hu Jintao, recevant Robert Gates, en confirmait la réalité tout en maintenant que ces nouveaux outils étaient strictement défensifs. Toujours sur les forums chinois, on assistait, en particulier à l’occasion du vol du J 20, à une explosion de fierté nationale où s’exprimait souvent un esprit de revanche.

Stratégiquement parlant, l’existence même de ces trois nouvelles armes et leur destination opérationnelle confirment ce que l’on savait déjà : la Chine a désormais une vraie stratégie maritime, qui vise à imposer sa présence loin dans le Pacifique, bien au-delà du Japon et en direction de Hawaï (1) . Et son principal adversaire est le porte-avions américain.

Sur le plan technique, il faut relativiser ces annonces. Si les projets sont bien réels, ils demeurent ‘en développement’ et le resteront encore pour des années. Le premier porte-avions chinois sera le Varyag. La construction de ce navire, commencée en 1985, a été arrêtée en 1992, alors qu’il lui manquait les moteurs et les équipements opérationnels. Transféré à l’Ukraine, il a été vendu aux enchères (2) à un entrepreneur chinois qui disait vouloir en faire un casino flottant. Remorqué jusqu’en Chine, il a fini à Dalian, dans un chantier militaire d’où il devrait sortir, modernisé, en 2011 ou 2012. Il servira alors à la formation des pilotes de l’aéronavale et à l’élaboration des concepts d’emploi. Le missile balistique anti porte-avions est un dérivé d’un missile connu, le DF 21. Sa valeur opérationnelle reste à prouver. D’autres pays ont déjà abandonné des projets similaires. La charge utile du DF 21 demeure limitée et les task forces américaines mettent en œuvre des moyens anti-balistiques crédibles. Enfin, le prototype d’avion de chasse vu à Chengdu n’est pour le moment qu’un démonstrateur, dont on ne sait pas quelles seront ses capacités opérationnelles. De plus, qu’il s’agisse de missiles, de radars ou, surtout, de réacteurs, la Chine demeure encore tributaire d’aides étrangères et/ou de copies.

Toutefois, il existe une vraie volonté et des moyens financiers, même si les capacités technologiques demeurent à la traîne. Le porte-avions ‘d’entraînement’ sera suivi d’au moins deux autres (3) , qui pourraient être opérationnels avant 2020. Le nouvel avion de chasse deviendra un jour opérationnel, ou sera remplacé par un autre avion qui, sans être de cinquième génération, sera tout à fait performant.

Les états-majors des pays voisins ne s’y sont pas trompés. S’ils ne cèdent pas au sensationnalisme et savent qu’il reste du temps, ils prennent au sérieux la menace chinoise. Déjà, les Japonais et les Australiens pensent qu’ils devront moderniser leurs forces plus vite que prévu. L’Inde renforce ses liens avec la Russie. Taïwan s’inquiète. Et, aux Etats-Unis, des voix s’élèvent pour demander des moyens supplémentaires pour contrer les nouvelles armes de la Chine.

(1) L’homme qui a réussi à imposer à son pays une ‘Blue sea Navy’, l’amiral Liu Huaqing est décédé le 14 janvier 2011.
(2) Pour 25 millions de dollars.
(3) Dont au moins un devrait être à propulsion nucléaire
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