ANALYSES

L’association transfrontalière européenne, un outil pour renforcer la liberté d’association ?

Tribune
19 février 2024


Les élections européennes arrivent à grands pas. Ces élections sont l’occasion de renforcer les droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens en Europe.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée en décembre 2000, souligne que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux […] ». Une initiative prise en septembre 2023 par la Commission européenne, inspirée par une résolution du Parlement européen de février 2022, s’inscrit dans cette perspective. Il s’agit de la proposition faite aux États membres de légaliser une nouvelle forme d’association : l’« association transfrontalière européenne » (ATE). L’objectif est de favoriser l’activité des associations à but non lucratif qui se déploient dans plus d’un État membre.

Des initiatives similaires ont déjà été prises au cours des 30 dernières années, mais sont globalement restées lettre morte. Aujourd’hui, de nombreux acteurs associatifs semblent y croire et apprécier la démarche. 10 % des 3,8 millions d’associations recensées en Europe pourraient en effet voir leurs démarches juridiques et administratives facilitées, car « une fois établie dans un État membre, une ATE sera automatiquement reconnue et autorisée à exercer des activités dans tous les États membres ».

Cela étant, certains acteurs du monde de l’économie sociale et solidaire, très attachés aux notions françaises d’intérêt général, de désintéressement et de non-lucrativité se veulent vigilants, car le communiqué de la Commission européenne vise également les « activités économiques, ce qui permettra aux associations à but non lucratif de libérer tout leur potentiel sociétal et économique dans l’Union européenne. ». Aujourd’hui, en France, si un organisme non lucratif peut effectivement réaliser des opérations à caractère commercial, notamment lorsque ces dernières sont utiles à son activité non lucrative, il ne peut le faire que dans des limites très strictes : l’activité non lucrative doit être « significativement prépondérante ». Libérer le potentiel économique signifiera-t-il entrer en concurrence effrénée, et écorner l’intérêt général, ou octroyer de nouvelles marges financières aux organisations non gouvernementales (ONG) soucieuses de leur indépendance au regard notamment des fonds publics ?

Le Haut Conseil à la Vie associative (HCVA), après avoir rappelé que les activités des organismes à but non lucratif favorisent « la participation des citoyens au processus démocratique, renforcent la transparence au niveau de l’Union et des États membres, et stimulent le débat public ainsi que le pluralisme au sein de la société », a, pour sa part, « salué cette décision », tout en regrettant que « le rôle du bénévolat n’ait pas été expressément pris en compte comme facteur de consolidation de la société civile ». Rappelons que, selon France générosités, en 2023, 23 % des Français étaient bénévoles. Constructif, le HCVA a émis une série de suggestions pour compléter « la panoplie d’outils réglementaires qui permettent l’exercice de la liberté d’association partout en Europe ».

Le chemin est encore long. La proposition de directive de la Commission européenne devra prospérer devant le Parlement européen, ainsi qu’au Conseil européen, avant que les États membres ne s’en emparent pour la transposer en droit interne, sous l’œil attentif de Bercy.

 
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