ANALYSES

Le pass vaccinal est une étape de plus vers notre immunité collective

Presse
23 décembre 2021
Interview de Anne Sénéquier - La semaine de Nancy
Le projet de loi introduisant le pass vaccinal va être examiné au Parlement entre Noël et le jour de l’an, l’objectif étant d’adopter le texte dès la première quinzaine de janvier. Selon vous c’est une décision qui s’impose ? Pourquoi ne l’avoir pas fait plus tôt ?

Le gouvernement a largement travaillé sur la pédagogie parce qu’il voulait éviter d’imposer des mesures. Au début
de la campagne de vaccination, on a peiné à obtenir un score honorable mais pas suffisant. Les autorités ont d’abord misé sur l’envie de protection personnel le et le côté santé publique. Une fois que les personnes sensibles à ces arguments ont été vaccinées, il a fallu créer un nouvel intérêt, notamment au mois d’août en conditionnant l’accès aux loisirs, d’autant plus qu’à ce moment-là les contaminations se faisaient dans la tranche des jeunes adultes qui ne se vaccinaient pas beaucoup parce qu’ils ne se sentaient pas concernés. Le pass sanitaire a été mis en place pour générer une incitation supplémentaire afin de ramener à la vaccination des personnes qui pensaient ne pas en avoir besoin. Nous avons vu au cours de cette année que plus le Covid, quel que soit le variant, touchait de personnes, plus de personnes qui n’avaient pas 65 ans et ne présentaient pas de comorbidités, étaient contaminées. Aujourd’hui transformer le pass sanitaire en pass vaccinal, est une étape de plus pour aller chercher les 5 millions de personnes qui nous manquent dans notre immunité collective. Le facteur humain dans une pandémie ça peut un être un maillon fort mais aussi un maillon faible. Et là, la temporalité de persuasion et de changement des comportements est si longue que ça a laissé le temps à le Covid de multiplier les variants. On se retrouve aujourd’hui avec un virus qui ressemble un petit peu à la rougeole, c’est-à-dire, qu’il faut que 95% de la population soient vaccinée pour freiner la
transmission. Aujourd’hui en France, même si on se considère comme le bon élève qui approche les 85 % de vaccination, ce n’est pas suffisant pour contenir la vague d’omicron. Nous sommes dans une période pré-électorale, j’ai du mal à imaginer aujourd’hui, même si ce devrait être fait, voir le gouvernement prendre une mesure d’obligation vaccinale. Le pass vaccinal est une façon supplémentaire, d’aller vers cette décision sans dire qu’il s’agit d’une obligation vaccinale.

Olivier Véran a quand même reconnu que c’était une forme d’obligation vaccinale.
De toutes façons, le pass qu’il soit sanitaire ou vaccinal, est toujours là pour générer un intérêt supplémentaire pour la
vaccination ? C’est vrai que jusque-là, aucun État en Europe n’a franchi le pas. L’Autriche en a parlé mais ce sera pour février 2022. II est fort probable qu’on y vienne, je pense cependant que ce n’est pas encore mûr.

Faut-il étendre le pass vaccinal au monde de l’entreprise ?

Avec cette hypothèse, il s’agit d’aller là où il y a des chaînes de transmission. Tout dépend du travail que vous faites et des conditions dans lesquelles vous l’exercez mais il y a énormément de postes où vous êtes dans des lieux clos
avec beaucoup de personnes, je pense aux open spaces où même des bureaux plus petits ou despostes dans les entreprises de manutention où l’on se trouve à côté de quelqu’un dont on ne connaît pas le statut vaccinal. Ce serait pertinent dans la mesure où en tant qu’employé vous pouvez avoir envie de travailler en sécurité sans vous exposer à des risques accrus ou d’être contaminé par votre voisin et collègue. On ne peut pas demander aux gens de faire attention à tout le reste y compris dans la façon de fêter Noël en famille et leur dire : non, le travail c’est une zone de non-droit, vous pouvez y être contaminé mais en fait vous vous débrouillez avec ça. Ce n’est pas possible, ce n’est pas entendable. Aujourd’hui, que l’on soit fonctionnaire ou que l’on travaille dans le privé, on peut s’attendre à être protégé sur son lieu de travail. Vous me direz qu’il y a aussi l’argument inverse : la liberté de pouvoir travailler comme on veut en considérant le secret médical. Mais là, on oppose du droit et des textes de loi qui ont été écrits dans un contexte
hors pandémie alors que nous avons face nous aujourd’hui un virus qui se fiche que vous soyez à votre travail ou dans un temps de loisir. S’il peut vous contaminer, même si vous êtes au travail, il le fera. La santé publique, c’est protéger les personnes, mais pas seulement dans leur sphère privée, c’est aussi dans leur sphère professionnelle. »

Que pensez-vous de la déclaration de Philippe de Villiers qui assimile le pass vaccinal à l’apartheid ?

Je pense que c’est montrer sa méconnaissance de ce qu’a été vraiment l’apartheid. On a la même chose avec l’étoile jaune, chacun y va de son morceau d’histoire. II ne faut pas faire d’amalgame. Aujourd’hui c’est vécu par beaucoup et nornmé comme des mesures de restrictions, alors que ce sont des mesures de protection individuelle mais aussi collective pour le Covid mais aussi pour la santé en général. Lorsque tous les hôpitaux de France lancent un plan
blanc, ça veut dire que la grande majorité des opérations chirurgicales qui étaient prévues son retardées. Tout ça c’est de la perte de chances. Même si vous devez aller en urgence à l’hôpital, le fait qu’on puisse vous dire : on n’a pas de place, vous devez être transféré dans un autre établissement par fois à deux heures de route, vous pénalise lourdement. On protège les patients Covid mais aussi la santé publique dans sa globalité. C’est vrai qu’on l’oublie dans cette généralité : c’est aussi le fonctionnement de la société qui doit être protégé. Si aujourd’hui on va vers une saturation du système de santé, c’est parce qu’il y a un taux d’incidence très important. Cela veut dire que si un nombre important de personnes est malade, ça se répercute au niveau du travail, de l’économie, parce qu’il y a
de plus en plus de personnes qui sont absentes parce qu’elles ont contracté le Covid. L’objectif, c’est de permettre à la société de fonctionner et d’éviter des meures telles qu’un couvre-feu ou un confinement. Nous avons cette habitude en France de politiser la gestion de la Covid, mais lorsqu’on regarde un petit peu hors de nos frontières, on se rend
compte que tout a été testé, vraiment tout, et que finalement aucune de ces solutions, n’a été parfaite. On a ceux qui ont laissé vivre le virus dans la population, ils en sont revenus très vite. II y a ceux qui ont pris le parti de la stra
tégie zéro-Covid mais ils se rendent compte que sur la temporalité de cette pandémie ce n’est pas tenable et ils
sont revenus là-dessus. En plus, c’était des pays insulaires, ce qui n’est pas le cas de tout le monde et ce que nous ne pouvons pas faire. Finalement, chacun essaye de gérer au mieux en fonction de ses outils, c’est-à-dire l’état de son
système de santé, son économie, ses réserves budgétaires, l’acceptation et l’adhésion de la population aux mesures barrières. On a des ingrédients à peu près similaires mais au final chacun tente des choses différentes. II est possible d’être dans l’anticipation parce que cela fait deux ans maintenant que nous avons à gérer cette pandémie, et c’est une anticipation de trois semaines maximum. Chaque fois que les mesures changent, c’est le support pour certains de dire qu’ils n’y comprennent rien, que c’était comme ceci hier et comme cela demain et que comme c’est changeant, ça
prouve que ça ne marche pas. Non cela prouve que l’on s’adapte à le Covid. En revanche, ce que ça prouve aussi, c’est que ce niveau de gestion de la pandémie au niveau national, ne fonctionne pas. Le fait que chaque pays s’occupe de l’épidémie chez lui, est un gros problème depuis deux ans. On le voit avec la vaccination avec l’accaparement
des moyens par les pays occidentaux. La tentative de l’OMS de coordonner la réponse tant au niveau des mesures barrières que de la vaccination, est toujours un couac monumental parce que énormément de pays ne l’écoute pas.
Tout le monde s’accroche à cette sacro-sainte souveraineté sanitaire mais tant qu’on ne pense pas global, on n’y arrivera pas, parce qu’une pandémie c’est un virus qui se joue des frontières et qui passe d’un être humain à un autre
être humain. Tant qu’on n’aura pas la même stratégie qui permettrait de dispatcher tous les vaccins quand il y a une émergence en Afrique du Sud en Inde ou en Europe, on risque de vivre ce qu’on vient de vivre, c’est-à-dire un fond épidémique par vagues avec de temps en temps une nouvelle émergence de variant qui vient redistribuer les cartes. Et à chaque fois il va falloir générer un nouveau vaccin et à chaque fois on va revacciner les mêmes. II va y avoir une lassitude des gens sur la vaccination comme c’est déjà le cas sur les mesures barrière. Et nous risquons de nous fabriquer les problématiques de demain.

En parlant de vaccin Novavax, qui vient d’être autorisé par l’Agence européenne des médicaments et n’utilise
pas l’ARN messager, va-t-il être aussi efficace que Pfizer ou Moderna et, du fait de sa composition, peut-il rassurer
quelques antivax ?

Je crois que sa mission même pas secrète, c’est de faire baisser notre nombre ce personnes non-vaccinées en France. On a peu un peu au-dessus de 5 millions, il faut redescendre en-dessous. L’objectif de ce vaccin, c’est de convaincre les personnes qui ne sont pas vaccinées aujourd’hui.

Sera-t-il aussi efficace que Pfizer et Moderna ?

Aujourd’hui, quand on parle d’efflcacité, on avait un Pfizer qui était efficace à 95 %. À présent, face à omicron, il tornbe
à 75 %. A la base, quand nous avons eu les 236 candidats vaccins sur la ligne de départ, le taux d’efficacité validant
avait été fixé entre 50 et 55%. Si l’Agence européenne des médicaments a validé Novavax, on peut penser qu’il est efficace. Je ne connais pas les chiffres dont je ne peux pas parler avec certitude mais je ne suis pas inquiète sur son
efficacité.

Pour le moment le gouvernement n’envisage pas d’autres mesures restrictives, mais est-ce longtemps tenable ?

Tout dépend de ce qui va se passer au Royaume-Uni dans les jours qui viennent. On voit que le Royaume-Uni avait
quelques semaines d’avance sur ce qui pourrait nous arriver. Ils ont mis en place des mesures de restriction la semaine dernière. On va voir leur efficacité sur les courbes d’incidence et les hospitalisations parce que pour l’instant on a encore une incidence exponentielle mais une entrée à l’hôpital qui reste relativement stabilisée. Tous les regards sont braqués sur ce qui se passe au Royaume-Uni sur l’impact des mesures barrière et des mesures de restriction qui ont été mise en place. C’est vrai qu’en France, on pense que la vaccination suffira. J’ai presque envie de dire que probablement pas parce que face à omicron qui prend de plus en plus de place, l’efficacité vaccinale baisse à 70-75 % avec un process vaccinal complet, c’est-à-dire trois doses. Ça veut dire quand même 25 % de risques d’attraper le
Covid malgré tout. En termes de chaîne de transmission, ça ne la diminue beaucoup, sauf chez les enfants où elle baisse un peu. Donc on a besoin de mettre en place les gestes barrières et d’autres restrictions. Les restrictions,
il n’y a pas besoin d’avoir une loi pour prendre soi même des responsabilités. Je pense que le gouvernement table beaucoup sur la pédagogie et la responsabilité individuelle et familiale.

 

Propos recueillis par Pierre Taribo pour La semaine de Nancy.
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